« C’est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant… En effet, notre Dieu est un feu qui détruit » (Hé 10,31, 12,29).
Aussi traduit comme « un feu dévorant », « un feu καταναλίσκον » parle d’un feu qui consume complètement. Le conditionalisme est une compréhension de l’enfer partagée par un nombre croissant de théologiens protestants et évangéliques qui considèrent que « détruire » veut vraiment dire « détruire » et non vivre pour toujours dans la souffrance1Pour apprécier l’ampleur du mouvement dans le monde évangélique, voir le site web rethinkinghell.com ainsi que les deux ouvrages collectifs édités par ces membres : 1. Christopher Date M., Gregory G. Stump et Joshua W. Anderson (ed.), Rethinking Hell: Readings in Evangelical Conditionalism, Cambridge, Lutterworth, 2014. 2. Christopher Date M. et Ron Highfield (ed.), A Consuming Passion: Essays on Hell and Immortality in Honor of Edward Fudge, Eugene OR, Wipf and Stock, 2015. Le conditionalisme est une position adoptée par de plus en plus de théologiens évangéliques de renom : Edward William Fudge, F. F. Bruce, Richard Bauckham, John Wenham, John R. W. Stott, Clark Pinnock, John J. Stackhouse, David Instone-Brewer, Earl Ellis, Anthony C. Thiselton, Richard Swinburg, Ben Whitherington III, Douglas A. Jacoby, James S. Spiegel (voir Edward W. Fudge, Hell: A Final Word, Abilene, Leafwood, 2012, p. 170 ; Douglas A. Jacoby, What’s the Truth about Heaven and Hell? Eugene OR, Harvest House, 2013, p. 21, 103-104 ; LeRoy E. Froom, « Conditionalism in the Early Church » dans Rethinking Hell, 2014, p. 260ss. Dans ces collectifs, voir aussi le petit survol historique du dernier siècle dans Rethinking Hell, p. 27-28 et l’énumération des protestants et leurs livres, qui, dans les années 1800, ont écrit pour défendre ce point de vue, toujours dans Rethinking Hell, p. 88 n. 33. Pour un survol historique du conditionalisme d’un point de vue traditionaliste, voir Christopher W. Morgan et Robert A. Peterson (ed.), Hell Under Fire: Modern Scholarship Reinvents Eternal Punishment, Grand Rapids MI, Zondervan, 2004, p. 197-200.. Selon la perspective traditionnelle de l’enfer, les personnes qui rejettent Dieu seront tourmentées de façon consciente pour l’éternité2À noter qu’en grec, le nom βασανίσμος et le verbe βασανίζω veulent autant dire « torture » que « tourment » et « torturer » que « tourmenter » (Verlyn D. Verbrugge, New International Dictionary of New Testament Theology, Grand Rapids MI, Zondervan, 2000, p. 87.). On pourrait donc techniquement autant parler de tortures éternelles. La plupart des tenants de la position « tourments éternels » préféreront cependant mettre l’accent sur la dimension psychologique des détresses vécues en enfer et ne pas parler de tortures..
Qui ne s’est jamais posé la question, en entendant un tel concept, « mais comment cela peut-il être compatible avec le Dieu de la Bible qui ne ‘prend pas plaisir à la mort du méchant’ (Ez 33.11)3PVD : « La mort des gens mauvais ne me fait pas plaisir. » BFC : « je n’aime pas voir mourir les méchants. » TOB : « est-ce que je prends plaisir à la mort du méchant ? » NBS : « ce que je désire, ce n’est pas que le méchant meure. ». » Pourquoi Dieu maintiendrait-il des personnes dans de telles souffrances psychologiques et physiques pour toujours alors qu’ils ont commis un nombre limité de fautes ? À priori, cela apparait aller à l’encontre de la nature de Dieu autant sur le plan de sa justice que de son amour et sa miséricorde. Cependant, j’ai écrit dans un article préalable qu’il ne faut pas rejeter la position traditionnelle parce qu’elle nous déplaît (ou y adhérer par tradition), mais plutôt examiner si celle-ci représente bel et bien ce qu’enseignent les Écritures.
La perspective traditionnelle de l’enfer est souvent présentée comme la seule interprétation possible des données bibliques et comme si l’Église était univoque depuis deux miles ans sur ce sujet. Mais, en réalité, le conditionalisme est une autre position qui est bien attestée au commencement de l’histoire de l’Église4Particulièrement dans la période qui suit immédiatement celle des apôtres, la période des pères apostoliques. La position conditionaliste est en fait celle des disciples des apôtres comme Clément de Rome (35-99), Ignace d’Antioche (35-107), Justin Martyr (100-165) et d’autres. Ensuite, la perspective « tourments éternels » fait surface avec Athénagoras d’Athènes (133-190) et Tertullien (155-225). Après une cohabitation pacifique des deux points de vue, le conditionalisme vient à être éclipsé par la position traditionnelle notamment à cause de St-Augustin qui a eu une profonde influence sur la suite de l’histoire de l’Église. L’interprétation « tourments éternels » s’impose donc à partir du 4e siècle. Après Arnobius, mort en 330, la perspective conditonaliste est réduite au silence. Enfin, elle refait surface en force dans les années 1800 chez plusieurs protestants. (Jacoby 2013, p. 100-101 ; Froom 2014, p. 260-275)., mais par-dessus tout, elle rend beaucoup mieux compte de l’ensemble des données bibliques. Cet article est une introduction à la position évangélique sur l’enfer qui s’appelle le conditionalisme, aussi nommée « annihilationnisme ». La suite du texte définira chacun de ces termes et exposera brièvement l’argumentaire pour ce point de vue. Plusieurs autres articles suivront afin d’aller plus en détail sur certaines questions.
1. Conditionalisme pour immortalité conditionnelle
Le conditionalisme est l’idée que l’immortalité est conditionnelle à la foi en Jésus-Christ5Concernant le survol qui suit, voir People (2014, p. 15-17), Jacoby (2013, p. 20) ; Harold Guillebaud, « The General Trend of Bible Teaching », dans Rethinking Hell: Readings in Evangelical Conditionalism, 2014, p. 162). :
Les conditionalistes affirment que la vie éternelle, dans toutes ces expressions verbales, et en particulier lorsqu’elle est décrite comme « l’immortalité », est exclusivement promise comme cadeau à ceux qui sont sauvés par Christ. La vie continuelle est dépeinte comme ayant été perdue en Adam et retrouvée en Christ, mais seulement par Christ6Glenn A. People, « Introduction to Evangelical Conditionalism », dans Rethinking Hell: Readings in Evangelical Conditionalism, 2014, p. 16..
Contrairement à la pensée platonicienne qui conçoit l’âme humaine comme étant par nature immortelle, la Bible présente systématiquement les êtres humains comme étant mortels. Cela a une répercussion très importante sur le thème de l’enfer : la Bible avertit que « le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6.23). Elle n’affirme pas que le salaire du péché, c’est les tourments éternels7« Pour nous persuader de ne jamais commettre l’injustice, Platon écrit que le salaire de l’injustice, ce sont les souffrances infernales. À la fin du Gorgias, Socrate explique à Calliclès que chaque injustice commise durant la vie terrestre laisse une marque de laideur sur l’âme. Après la mort, l’âme est toute nue, dépouillée du corps qui la voilait. Elle comparaît alors devant le tribunal divin. Si les dieux la jugent trop laide, elle sera condamnée à des supplices afin de la purifier, si elle est encore récupérable. Sinon, elle sera torturée éternellement pour servir d’avertissement aux autres âmes. » François Doyon, « Avoir une religion rend-il meilleur? », Le devoir, 2017, En ligne. Cf. François Doyon, Les philosophes québécois et leur défense des religions, Montréal, Connaissances et savoirs, 2017, p. 99-103.. La perspective traditionnelle, en spiritualisant de façon général le concept de la mort, inverse sa connotation : mourir ne veut plus dire mourir, mais vivre éternellement dans la misère. La substitution pénale est une doctrine qui dit que Jésus a supporté à notre place la pénalité que méritaient nos péchés. Jésus a souffert en expérimentant des tourments et des tortures, il a vécu la séparation d’avec Dieu8« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » et, enfin, il est mort. Les conditionalistes prennent au sérieux le sacrifice que Jésus a enduré à la place des pécheurs et ils affirment qu’une fin similaire attend les incroyants (souffrance, séparation d’avec Dieu et mort). Considérons donc le thème de la mort à partir du commencement de la Bible…
Dès le début du narratif biblique, la vie est présentée à Adam comme étant possible dans la mesure où il demeure connecté à la source de la vie : Dieu. Cette connexion à Dieu, et donc à la vie, ne se fait que par la confiance et l’obéissance à Dieu. Dieu avertit Adam que le jour où il mangerait de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (symbole de l’autodétermination du bien et du mal, de l’autonomie vis-à-vis Dieu), il mourrait (Gn 2.17). Depuis la désobéissance du couple primordiale, notre vie est limitée et, au-delà de celle-ci, nous redevenons poussière (Gn 3.19). L’accès à l’arbre de la vie a été coupé (Gn 3.22). Thomas Römer a donc raison d’écrire que « ni dans Gn 1 ni dans Gn 2 il n’est dit qu’à l’origine l’être humain aurait été créé immortel : cette compréhension erronée du texte biblique n’a été introduite que par l’exégèse chrétienne9Thomas Römer, L’Ancien Testament commenté : la Genèse, Montréal, Novalis, 2016, p. 40 ; Par « exégèse chrétienne », Römer semble faire référence aux interprétations des Pères de l’Église comme Augustin qui furent influencés par le néoplatonisme. Römer (2016, p. 40-41) poursuit sur la question de la mort comme châtiment : « Au v. 19, la mort, mentionnée ici dans le catalogue des frustrations, revêt un double sens. D’une part, en mettant fin définitivement à une vie décevante, elle participe elle-même aux frustrations de la vie. D’autre part, on peut percevoir que la mort est en quelque sorte à même d’offrir une ultime protection face à un excès de souffrances : on ne peut souffrir au-delà de la mort ! ». » Cet arbre de la vie revient à la fin de l’Apocalypse et seulement ceux « qui lavent leurs robes » y auront droit (22.14-15 cf. v. 2, 19). Entre ces deux livres, le reste du témoignage biblique est clair et consistant… Dieu est le seul qui « possède l’immortalité » (1 Tim 6.16; cf. 1.17) et l’immortalité est un cadeau qu’il offre à ceux et celles qui croient en Jésus. Comme le dit Paul en 2 Tim 1.10, la grâce de Dieu a été manifestée par Jésus « qui a détruit la mort et a mis en évidence la vie et l’immortalité par l’Évangile. » Selon Jésus, ceux qui ne « pourront plus mourir » sont « ceux qui seront trouvés dignes d’avoir part au siècle à venir » (Lc 20.35-36) suggérant fortement que l’immortalité est une prérogative qui appartient strictement aux croyants10La Bible affirme qu’il y aura une résurrection universelle au jour du jugement. Ceux qui sont dignes de cette résurrection seront transformés de sorte qu’ils deviennent immortels. Mais qu’arrive-t-il à ceux qui ont été ressuscités alors qu’ils n’étaient pas dignes de l’être ? Ils sont ressuscités pour avoir un châtiment proportionnel à leurs fautes commises afin que la justice soit rendue par Dieu qui a promis de rendre à chacun selon ses oeuvres, puis la mort comme peine capitale leur est infligée..
L’apôtre Paul affirme que la vie éternelle est pour ceux qui cherchent la gloire, l’honneur et l’immortalité en faisant le bien (Rm 2.7) et il contraste cette fin avec celle des rebelles (Rm 2.5-10). Pareillement, en 1 Co 15.42-49, Paul présente l’immortalité, au même titre que la gloire, la force et la vitalité spirituelle, comme une propriété qui caractérisera les corps ressuscités des chrétiens11Certains pensent que Paul parle de la résurrection de tous les humains lorsqu’il dit « et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ » (1 Co 15.22). Mais « lorsque Paul affirme que « tous revivront en Christ » (v. 22), il n’a pas en tête la résurrection des croyants et des incroyants, mais seulement la résurrection de ceux qui sont ‘en Christ’. Le v. 23 qui suit immédiatement rend cela clair : « …mais chacun en son rang : Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent au Christ, lors de son avènement » (cf. Ro 5:12-21) » (Sonny Perron-Nault, « Éclairage théologique et historique du credo corinthien : critique de la forme et histoire de la tradition de 1 Corinthiens 15:1-11 », Mémoire de maîtrise, Montréal, Université de Montréal, 2016, p. 54). Tout le long de 1 Co 15, Paul parle de la résurrection comme fondement de l’espérance chrétienne et jamais il ne parle de la résurrection des non-croyants.. Alors que Jésus discute avec Marthe concernant la mort de Lazare, le Seigneur affirme que celui qui croit en lui « ne mourra jamais » une fois que Jésus le ressuscitera à la fin des temps (Jn 11.25-26)12Kim Papaioannoum « Death, Eternal Life, and Judgment in the Gospel and Epistles of John », dans A Consuming Passion, 2015, p. 174-175, 183-184..
Si en Dieu, « nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17.28), alors le fait d’être séparé de lui implique la mort, le non-mouvement, le non-être. Dans la Bible, l’immortalité est un privilège qui est toujours lié aux croyants et jamais aux non-croyants. Pour ces derniers, les Écritures présentent un autre portrait…
2. Annihilationnisme pour tourments suivis de l’anéantissement
Le conditionalisme est un titre qui explique l’éternité du point de vue des personnes qui seront sauvées alors que l’annihilationnisme, qui est la même position théologique13Certains, comme Bowles (2014, 139) et Thiselton (2014, 177), font une différence entre le conditionalisme et l’annihilationnisme, mais la vaste majorité utilise ces termes de façon synonymique. Certains conditionalistes désirent parfois se distancer du terme « annihilationnisme » parce qu’il est parfois utilisé pour parler simplement de l’anéantissement sans tourment : « L’incroyant, sur cette base, ne verra rien des choses dernières excepté cette expérience mondaine qu’est la mort et l’enfer devient un concept vide. » Wenham (« The Case for Conditional Immortality », dans Rethinking Hell, 2014, p. 93) affirme que « cela est évidemment non biblique et que ce n’est pas le point de vue d’aucun conditionaliste » qu’il connait., explique l’éternité du point de vue des personnes qui seront condamnées. De ce deuxième angle, l’enfer consiste en un lieu où un châtiment s’opèrera en deux temps : des tourments proportionnels aux péchés commis seront infligés après quoi les personnes mourront, c’est-à-dire qu’elles seront anéanties14Sur la question des différents degrés de châtiment en enfer, cliquer ici. L’annihilationisme est « le point de vue que l’enfer est la situation où ceux qui n’ont pas accepté l’expiation faite par Jésus en ses souffrances et sa mort devront eux-mêmes faire leur propre expiation en souffrant, puis en mourant, et être ainsi séparé de Dieu qui est le soutien de toute vie. Ils disparaîtront ainsi du cosmos » (Stackhouse 2016, 62).. « Le fait qu’ils souffrent dans le processus de destruction est indéniablement une partie de l’enseignement biblique, mais cela est moins proéminent ou fréquemment mentionné que le fait que leur sort est la destruction15Guillebaud 2014, 160.. » Wenham affirme qu’il y 264 passages sur le sort des perdus dans le Nouveau Testament16John W. Wenham, « The Case for Conditional Immortality », dans Rethinking Hell, 2014, p. 80-82. :
- 108 (41%) à trait à un jugement défavorable dont la pénalité n’est pas spécifiée17Par exemple, Mt 12.36 (ils rendront compte de toute parole vaine), Mt 12.41 (les Ninivites condamneront la génération de Jésus pour leur incroyance), Mt 23.35ss (tout le sang innocent répandu sur la terre retombera sur cette génération), Mc 3.29 (celui qui blasphème contre le Saint-Esprit est coupable d’un péché éternel), Mc 12.40 (les pharisiens seront jugés plus sévèrement), Mc 16.16 (celui qui ne croira pas sera condamné), etc..
- 59 (22%) parlent de destruction, de perdition ou de ruine.
- 26 (10%) font référence à l’image du feu. L’image du feu, incluant « le feu éternel » ou « le feu qui ne s’éteint point », est un symbole de destruction totale comme nous le verrons18L’exception à cela, qui provient de la parabole du pauvre Lazarre et du riche, parle d’un feu qui tourmente, mais il serait fallacieux de baser une doctrine sur des détails d’une parabole qui vise plutôt à faire un point essentiel. Au même titre qu’on ne peut pas inférer que 25% des gens seront sauvés, car dans la parabole du semeur, une terre sur quatre porte du fruit, on ne peut se baser sur les détails périphériques de la parabole de Lazarre et de l’homme riche. De plus, cette parabole affirme clairement parler du séjour des morts (Lc 16.23) et non de l’enfer, deux réalités bien distinctes : « La parabole de l’homme riche et de Lazarre semble référer au temps entre la mort et le jugement. Pour cette raison, c’est en dehors du but visé par ce livre et nous n’en discuterons pas (Guillebaud 2014, 156). » Jacoby (2013, 40-41) va dans le même sens : « Même si c’est tentant, nous ne devons pas tirer des doctrines à partir de détails mineurs d’une parabole. Est-ce qu’on peut déduire de la parabole de Jotam (Jg 9.7-15) que les arbres sont conscients ? Ou que, si nous trouvons un trésor dans un champ, nous sommes invités à tromper le propriétaire (Mt 13.44) ? Luc 16 suggère certainement des châtiments et des récompenses dans la vie future, mais le but de la parabole n’est pas de les décrire. Même des tenants de la position tourments éternels concèdent qu’il ne faut pas s’appuyer sur Lc 16 pour établir cette doctrine. » Cette parabole contient des inconsistances comme le fait qu’on parle en des termes physiques des personnes qui sont dans le séjour des morts et donc qui sont, par conséquent, désincarnées : des esprits sans corps. Enfin, même si on concédait que ce passage nous informe sur l’enfer, il n’affirme pas que les tourments sont éternels..
- 25 (10%) réfèrent à la mort comme finalité.
- 20 (8%) relient le sort des incroyants à la séparation d’avec Dieu.
- 15 (6%) caractérisent cet état par des émotions angoissantes. Le perspective conditionaliste affirme qu’il y aura des tourments, mais nie qu’ils seront éternels.
- 10 (4%) utilisent le mot Géhenne. Cette image rejoint celle du feu qui détruit.
- 1 (0,5%) affirme qu’ils n’ont pas de repos ni jour ni nuit et que la fumée de leurs tourments monte aux siècles des siècles.
J’ajouterais Ap 20.10 à la dernière ligne de l’énumération de Wenham, ce qui amènerait les passages bibliques pour les tourments éternels à un total de deux et donc à 1%. Ces deux passages d’Apocalypse feront l’objet d’un article bientôt. Mais pour l’instant, mettons de côté ce 1% afin de considérer le 99%…
2.1 Détruire, périr, perdre : la cessation de la vie
Jésus enseignait que seulement Dieu a le pouvoir de détruire la totalité de l’être humain dans la géhenne : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne » (Mt 10.28; cf. Lc 10.4-5). Witherington (2014, 297-298) affirme qu’il apparait certain que le parallélisme de cette phrase implique que Jésus parle de Dieu de façon telle qu’il peut tuer, détruire, supprimer l’esprit humain, et non seulement le corps et que le lieu où cela s’opère est la géhenne. En fait, le mot qui apparait dans la deuxième phrase est l’un des plus utilisés pour parler du sort des personnes non sauvées : άπόλλυμι qui veut dire détruire, périr, perdre.
Lorsqu’on comprend que, selon la Bible, nous ne sommes pas par nature immortels comme le pensait Platon, mais mortels, alors on saisit rapidement comment les passages employant άπόλλυμι vont dans le sens de l’anéantissement des pécheurs. Des passages surabondamment cités comme « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse (άπόλλυμι) pas, mais ait la vie éternelle » (Jean 3.16) prennent soudainement un nouveau sens, plus clair. On pourrait traduire « afin que quiconque croit en lui ne soit pas détruit / ne soit pas une perte totale, mais ait la vie éternelle19En Jn 11.50, le souverain sacrificateur Caïphe dit, en parlant de Jésus : « …il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure (άποθνῄσκω) pour le peuple et que la nation entière ne périsse (άπόλλυμι) pas. » Comme l’affirme Papaioannou (2015, 177-178, 183-184), il y a un parallèle évident entre le fait de mourir et de périr.. » Dans d’autres contextes, le mot άπόλλυμι pointe clairement vers la destruction dans le sens de cessation de la vie : « Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr (άπόλλυμι) » (Mt 2.13). Quand le corps est amputé d’un de ses membres, ceux-ci périssent et c’est de la même manière que le corps périra dans la géhenne (Mt 5.29-30). Les personnes qui refusent Dieu se coupent de la vie comme un membre amputé du corps est privé de sa source vitale. En Mt 8.25, les disciples, paniqués dans la barque ballottée en pleine tempête, font appel à Jésus afin qu’ils ne périssent pas. Des fins tragiques et atroces comme le fait que Pilate mêle le sang des sacrifices avec celui de certains adorateurs galiléens ou encore la tour de Siloé qui est tombée sur 18 personnes et qui les a tués servent d’exemples à Jésus, qui conclut : « si vous ne vous repentez, vous périrez tous de la même manière » (Lc 13.1-5).
De façon répétée et consistante, le mot périr veut dire détruire et cesser de vivre. Certains textes affirment carrément que les pécheurs disparaîtront et qu’ils seront anéantis comme on le voit en 2 Th 2.8 : « Et alors paraîtra l’impie, que le Seigneur Jésus détruira par le souffle de sa bouche et qu’il anéantira (καταργέω) par l’éclat de son avènement. »
2.2 Le feu éternel : symbole de destruction totale
Concernant le feu éternel, l’Ancien Testament démontre que cette image renvoie à un processus de destruction totale. Ésaïe 66.22-24 indique clairement comment le symbolisme des vers qui ne meurent point et le feu qui ne s’éteint point parle d’un processus de destruction dont l’issue est l’anéantissement total des corps :
Car, comme les nouveaux cieux et la nouvelle terre que je vais créer subsisteront devant moi, dit l’Éternel, ainsi subsisteront votre postérité et votre nom. À chaque nouvelle lune et à chaque sabbat, toute chair viendra se prosterner devant moi, dit l’Éternel. Et quand on sortira, on verra les cadavres des hommes qui se sont rebellés contre moi, car leur ver ne mourra point et leur feu ne s’éteindra point. Et ils seront pour toute chair un objet d’horreur.
Ce passage d’Ésaïe représente l’arrière-plan biblique à partir duquel Jésus développera son enseignement sur l’enfer. Il est fort intéressant de remarquer que le prophète ne dresse pas le portrait de personnes expérimentant des souffrances continuelles dans le feu et les vers. Au contraire, Ésaïe dépeint l’image des cadavres des rebelles. « Ce sont des corps morts (pegarim) et non des personnes vivantes ou des zombies impérissables » (Fudge 2014, 36). Le v. 22 affirme que ceux qui subsisteront dans la nouvelle terre et les nouveaux cieux sont les croyants et ensuite vient l’imagerie du feu et des vers qui indiquent que les non-croyants ne subsisteront pas, puis vient la description de leur sort honteux qui représentera un vestige de la justice de Dieu pour les croyants. Mais les incroyants sont clairement morts, sans vie, sans conscience. Mais pourquoi parle-t-on d’un feu qui ne s’éteindra pas alors ? Fudge résume bien l’idée du feu qui ne s’éteint point :
Cette expression vient de l’Ancien Testament, où elle a fréquemment et régulièrement le sens d’une destruction qui ne peut être résisté. (…) Le psalmiste, par exemple, dit qu’il éteindra le feu de ses ennemis (Ps 118.12), et Hé 11.34 mentionne les héros de la foi qui ont été capable d’éteindre la puissance du feu. Mais le feu du châtiment de Dieu ne peut pas être éteint ou arrêté et c’est pour cette raison qu’il avertit les villes et les nations en plusieurs endroits (És 1.31, 34.10-11, Jé 4.4, 7.20, 17.27, 21.12, Éz 20.47-48, Am 5.5-6)20Fudge 2014, 35..
En Mt 18.8-9, Jésus avertit qu’il vaut mieux couper les membres de notre corps qui nous font pécher que d’entrer avec notre corps entier dans « le feu éternel » qui est « le feu de la géhenne ». On comprend tous spontanément que la stratégie pratique que Jésus préconise pour éviter l’enfer est une hyperbole : Jésus n’invite personne à se mutiler réellement, mais il utilise cette image pour inciter à prendre des mesures radicales pour arrêter de pécher.
En ce qui concerne l’image du feu éternel, on raisonne plus souvent de façon littérale cependant. On se dit que si le feu est éternel, alors il doit y avoir une matière inflammable qui demeure éternellement afin que le feu brûle. Jésus dit que ce sont les pécheurs non-repentant qui seront jetés dans le feu éternel. Donc on en conclut que les incroyants expérimenteront des souffrances sans fin dans le feu éternel. Le réflexe herméneutique est compréhensif, mais il va à l’encontre des Écritures hébraïques. Par exemple, en Ésaïe 33.14, le prophète se met à la place des pécheurs qui font partie de son propre peuple et il demande : « Qui de nous pourra rester auprès d’un feu dévorant ? Qui de nous pourra rester auprès de flammes éternelles ? » La question sous-entend une réponse négative : personne d’entre les pécheurs ne pourra demeurer là. En fait, le prophète répond immédiatement : celui qui pourra séjourner auprès de ce feu éternel est celui qui marche dans la justice et qui rejette la corruption financière et la violence (v. 15). Dans ce passage, la sainteté de Dieu est présentée comme un feu qui anéantit tout ce qui est incompatible avec lui de sorte que les justes pourront se demander où sont rendus ceux qui leur causaient de la terreur (v. 18-19). La réponse sous-entendue : ils ne seront plus, on ne pourra plus les trouver nulle part.
Le contexte élargit des évangiles confirme que l’image du feu est utilisée pour parler d’anéantissement. Jean-Baptiste et Jésus utilisaient souvent le symbolisme de la végétation indésirable lancée au feu pour décrire le sort des rebelles qui rejettent le Royaume de Dieu. En Matthieu 3.10, Jean-Baptiste avertit que la hache est déjà prête pour couper les arbres qui ne portent pas de fruit afin de les jeter au feu. Deux versets plus tard, en Mt 3.12, il affirme que le Messie a sa fourche à foin à la main et qu’il « amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint point. » Jésus reprend cette dernière illustration presque littéralement en Mt 13.24-43. Il affirme que, dans la fin des temps, les anges sépareront le blé (les justes) de l’ivraie (ceux qui commettent l’iniquité) : « Arrachez d’abord l’ivraie et liez-la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier » (Mt 13.30, cf. v. 40-43!). Des éléments impersonnels comme des arbres ou du foin ne peuvent être tourmentés dans le feu : au contraire, ce sont des images d’éléments pouvant être complètement consumés et anéantis. Encore une fois, en Lc 13.7-9, Jésus affirme que si une vigne ne porte pas de fruit et qu’elle occupe la terre inutilement, elle sera coupée. Il s’agit d’une image reprise par Jean et appliquée aux disciples qui ne persévèrent pas en Christ : « Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors, comme le sarment et il sèche. Puis on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent » (Jn 15.6). Ces images sont clairement en faveur d’une lecture annihilationniste qui stipule que le feu implique une destruction totale de l’être et non des tourments éternels.
Les vers qui ne meurent pas, en plus de mettre l’accent sur le fait que les ennemis de Dieu n’ont pas d’ensevelissement approprié21Véritable sujet de honte et d’horreur pour les gens du Proche-Orient ancien pour qui leur seul héritage est la mémoire qu’il laisse., impliquent aussi la destruction totale. Par exemple, Job 21.26 souligne que le sort du méchant et du juste est le même : « Et tous deux se couchent dans la poussière, tous deux deviennent la pâture des vers. » Ésaïe 14.11, en parlant du roi de Tyre, illustre le fait qu’il est mort en faisant référence aux vers qui le couvrent : « Ta magnificence est descendue dans le séjour des morts… Sous toi est une couche de vers et les vers sont ta couverture. » Les vers qui ne meurent point font donc référence au fait que les rebelles seront tués une fois pour toutes par Dieu.
Que l’âme survive après la mort physique n’implique pas que l’âme est nécessairement immortelle. Comme Jésus a dit, Dieu est le seul qui peut détruire le corps et l’âme dans la géhenne. Il ne faut donc pas confondre la survie de l’âme à la mort avec l’immortalité de l’âme. Ce qui détruit l’âme tout comme le corps, c’est la géhenne comme Jésus dit. La Bible affirme qu’à la fin des temps, Dieu ressuscitera toute l’humanité pour le jugement et que les personnes qui seront condamnées vivront une deuxième mort. « L’étang de feu » est un symbole qui est expliqué par l’auteur même de l’Apocalypse : « Et la mort et le séjour des morts furent jetés dans l’étang de feu. C’est la seconde mort, l’étang de feu. » Le fait que Jean lui-même explique le symbole (le lac de feu) par l’expression prosaïque « la seconde mort » empêche de voir cette seconde mort comme étant métaphorique. La seconde mort est ce qui met un terme définitif à certaines réalités comme la mort. Dieu anéantira les pécheurs, Satan et les démons qui rejettent Dieu et donc qui ne veulent pas vivre dans son Royaume pour l’éternité.
3. Un cosmos purifié du mal
Un des arguments forts pour le conditionalisme est sa capacité d’expliquer les passages bibliques où la présence et la gloire de Dieu sont dépeintes comme étant universelles à la fin des temps. Par exemple, en 1 Co 15.24-28, le Seigneur Jésus remet le Royaume au Père après l’avoir purifié du mal. Comment purifie-t-il le Royaume du mal ? En détruisant (καταργέω) toute domination, toute autorité, toute puissance et la mort (15.24, 26). Paul termine son explication de la fin des temps en des termes cosmiques où Dieu remplit tout : « Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Co 15.28).
Ailleurs, Paul explique qu’en Jésus, Dieu voulut « réconcilier toutes choses avec lui aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix » (Col 1.20)22L’expression toutes choses (τὰ πάντα) est une formule standard pour faire référence à l’ensemble de l’univers créé (cf. 1 Co 8.6).. Éphésiens 1.9-10 va dans le même sens en affirmant que le plan de Dieu consiste à « réunir sous un seul chef, le Christ, tout ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre. » Les tout premiers discours chrétiens affirmaient que Christ devait rester au ciel « jusqu’au temps du rétablissement de toutes choses, dont Dieu a parlé anciennement par la bouche de ses saints prophètes » (Ac 3.21). Les tenants de la position « tourments éternels » postulent qu’en parallèle au Royaume de Dieu se trouvera l’enfer, et cela pour l’éternité.
Ces versets qui dépeignent l’ensemble du monde créé comme étant réconcilié avec Dieu représentent donc un problème majeur pour les traditionalistes : comment Dieu pourrait-il tout réconcilier avec lui-même si pour l’éternité, des milliards de personnes en plus du Diable et des démons demeurent dans un état conscient de séparations et de rébellions face à Dieu ? Dans une perspective conditionaliste, puisque les hommes et les démons seront détruits, le reste de la création sera bel et bien dans un état universel de réconciliation avec Dieu !
Conclusion
Cette année, la réforme protestante fête ses 500 ans. Le vecteur principal derrière la Réforme fut « Sola Scriptura », l’Écriture seule. J’invite donc les protestants à prendre au sérieux ce qui fonde leur particularité chrétienne et à repenser l’enfer. En tant que chrétiens, nous sommes appelés à nous assurer que nos croyances représentent réellement ce que la Bible enseigne. Et si cela nous demande de se positionner à contre-courant de la majorité, comme Luther, qu’il en soit ainsi. Faisons-le dans le respect et l’humilité, mais avec conviction et intégrité devant Dieu. Je suis d’accord pour dire que la question de l’enfer est un travail inaccompli par les réformateurs du passé et qu’il est temps de réviser la Bible, sans lunette platonicienne, pour écouter ce qu’elle dit vraiment sur le sort des personnes qui rejettent Dieu. Cela a des répercussions importantes sur l’adoration de Dieu et sur l’évangélisation23« Je crois que ce livre aidera plusieurs personnes à adorer Dieu encore plus et à proclamer l’Évangile avec plus de confiance » (Wenham ; dans Fudge 2011, xiii)..
Références
↑1 | Pour apprécier l’ampleur du mouvement dans le monde évangélique, voir le site web rethinkinghell.com ainsi que les deux ouvrages collectifs édités par ces membres : 1. Christopher Date M., Gregory G. Stump et Joshua W. Anderson (ed.), Rethinking Hell: Readings in Evangelical Conditionalism, Cambridge, Lutterworth, 2014. 2. Christopher Date M. et Ron Highfield (ed.), A Consuming Passion: Essays on Hell and Immortality in Honor of Edward Fudge, Eugene OR, Wipf and Stock, 2015. Le conditionalisme est une position adoptée par de plus en plus de théologiens évangéliques de renom : Edward William Fudge, F. F. Bruce, Richard Bauckham, John Wenham, John R. W. Stott, Clark Pinnock, John J. Stackhouse, David Instone-Brewer, Earl Ellis, Anthony C. Thiselton, Richard Swinburg, Ben Whitherington III, Douglas A. Jacoby, James S. Spiegel (voir Edward W. Fudge, Hell: A Final Word, Abilene, Leafwood, 2012, p. 170 ; Douglas A. Jacoby, What’s the Truth about Heaven and Hell? Eugene OR, Harvest House, 2013, p. 21, 103-104 ; LeRoy E. Froom, « Conditionalism in the Early Church » dans Rethinking Hell, 2014, p. 260ss. Dans ces collectifs, voir aussi le petit survol historique du dernier siècle dans Rethinking Hell, p. 27-28 et l’énumération des protestants et leurs livres, qui, dans les années 1800, ont écrit pour défendre ce point de vue, toujours dans Rethinking Hell, p. 88 n. 33. Pour un survol historique du conditionalisme d’un point de vue traditionaliste, voir Christopher W. Morgan et Robert A. Peterson (ed.), Hell Under Fire: Modern Scholarship Reinvents Eternal Punishment, Grand Rapids MI, Zondervan, 2004, p. 197-200. |
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↑2 | À noter qu’en grec, le nom βασανίσμος et le verbe βασανίζω veulent autant dire « torture » que « tourment » et « torturer » que « tourmenter » (Verlyn D. Verbrugge, New International Dictionary of New Testament Theology, Grand Rapids MI, Zondervan, 2000, p. 87.). On pourrait donc techniquement autant parler de tortures éternelles. La plupart des tenants de la position « tourments éternels » préféreront cependant mettre l’accent sur la dimension psychologique des détresses vécues en enfer et ne pas parler de tortures. |
↑3 | PVD : « La mort des gens mauvais ne me fait pas plaisir. » BFC : « je n’aime pas voir mourir les méchants. » TOB : « est-ce que je prends plaisir à la mort du méchant ? » NBS : « ce que je désire, ce n’est pas que le méchant meure. » |
↑4 | Particulièrement dans la période qui suit immédiatement celle des apôtres, la période des pères apostoliques. La position conditionaliste est en fait celle des disciples des apôtres comme Clément de Rome (35-99), Ignace d’Antioche (35-107), Justin Martyr (100-165) et d’autres. Ensuite, la perspective « tourments éternels » fait surface avec Athénagoras d’Athènes (133-190) et Tertullien (155-225). Après une cohabitation pacifique des deux points de vue, le conditionalisme vient à être éclipsé par la position traditionnelle notamment à cause de St-Augustin qui a eu une profonde influence sur la suite de l’histoire de l’Église. L’interprétation « tourments éternels » s’impose donc à partir du 4e siècle. Après Arnobius, mort en 330, la perspective conditonaliste est réduite au silence. Enfin, elle refait surface en force dans les années 1800 chez plusieurs protestants. (Jacoby 2013, p. 100-101 ; Froom 2014, p. 260-275). |
↑5 | Concernant le survol qui suit, voir People (2014, p. 15-17), Jacoby (2013, p. 20) ; Harold Guillebaud, « The General Trend of Bible Teaching », dans Rethinking Hell: Readings in Evangelical Conditionalism, 2014, p. 162). |
↑6 | Glenn A. People, « Introduction to Evangelical Conditionalism », dans Rethinking Hell: Readings in Evangelical Conditionalism, 2014, p. 16. |
↑7 | « Pour nous persuader de ne jamais commettre l’injustice, Platon écrit que le salaire de l’injustice, ce sont les souffrances infernales. À la fin du Gorgias, Socrate explique à Calliclès que chaque injustice commise durant la vie terrestre laisse une marque de laideur sur l’âme. Après la mort, l’âme est toute nue, dépouillée du corps qui la voilait. Elle comparaît alors devant le tribunal divin. Si les dieux la jugent trop laide, elle sera condamnée à des supplices afin de la purifier, si elle est encore récupérable. Sinon, elle sera torturée éternellement pour servir d’avertissement aux autres âmes. » François Doyon, « Avoir une religion rend-il meilleur? », Le devoir, 2017, En ligne. Cf. François Doyon, Les philosophes québécois et leur défense des religions, Montréal, Connaissances et savoirs, 2017, p. 99-103. |
↑8 | « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » |
↑9 | Thomas Römer, L’Ancien Testament commenté : la Genèse, Montréal, Novalis, 2016, p. 40 ; Par « exégèse chrétienne », Römer semble faire référence aux interprétations des Pères de l’Église comme Augustin qui furent influencés par le néoplatonisme. Römer (2016, p. 40-41) poursuit sur la question de la mort comme châtiment : « Au v. 19, la mort, mentionnée ici dans le catalogue des frustrations, revêt un double sens. D’une part, en mettant fin définitivement à une vie décevante, elle participe elle-même aux frustrations de la vie. D’autre part, on peut percevoir que la mort est en quelque sorte à même d’offrir une ultime protection face à un excès de souffrances : on ne peut souffrir au-delà de la mort ! » |
↑10 | La Bible affirme qu’il y aura une résurrection universelle au jour du jugement. Ceux qui sont dignes de cette résurrection seront transformés de sorte qu’ils deviennent immortels. Mais qu’arrive-t-il à ceux qui ont été ressuscités alors qu’ils n’étaient pas dignes de l’être ? Ils sont ressuscités pour avoir un châtiment proportionnel à leurs fautes commises afin que la justice soit rendue par Dieu qui a promis de rendre à chacun selon ses oeuvres, puis la mort comme peine capitale leur est infligée. |
↑11 | Certains pensent que Paul parle de la résurrection de tous les humains lorsqu’il dit « et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ » (1 Co 15.22). Mais « lorsque Paul affirme que « tous revivront en Christ » (v. 22), il n’a pas en tête la résurrection des croyants et des incroyants, mais seulement la résurrection de ceux qui sont ‘en Christ’. Le v. 23 qui suit immédiatement rend cela clair : « …mais chacun en son rang : Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent au Christ, lors de son avènement » (cf. Ro 5:12-21) » (Sonny Perron-Nault, « Éclairage théologique et historique du credo corinthien : critique de la forme et histoire de la tradition de 1 Corinthiens 15:1-11 », Mémoire de maîtrise, Montréal, Université de Montréal, 2016, p. 54). Tout le long de 1 Co 15, Paul parle de la résurrection comme fondement de l’espérance chrétienne et jamais il ne parle de la résurrection des non-croyants. |
↑12 | Kim Papaioannoum « Death, Eternal Life, and Judgment in the Gospel and Epistles of John », dans A Consuming Passion, 2015, p. 174-175, 183-184. |
↑13 | Certains, comme Bowles (2014, 139) et Thiselton (2014, 177), font une différence entre le conditionalisme et l’annihilationnisme, mais la vaste majorité utilise ces termes de façon synonymique. Certains conditionalistes désirent parfois se distancer du terme « annihilationnisme » parce qu’il est parfois utilisé pour parler simplement de l’anéantissement sans tourment : « L’incroyant, sur cette base, ne verra rien des choses dernières excepté cette expérience mondaine qu’est la mort et l’enfer devient un concept vide. » Wenham (« The Case for Conditional Immortality », dans Rethinking Hell, 2014, p. 93) affirme que « cela est évidemment non biblique et que ce n’est pas le point de vue d’aucun conditionaliste » qu’il connait. |
↑14 | Sur la question des différents degrés de châtiment en enfer, cliquer ici. L’annihilationisme est « le point de vue que l’enfer est la situation où ceux qui n’ont pas accepté l’expiation faite par Jésus en ses souffrances et sa mort devront eux-mêmes faire leur propre expiation en souffrant, puis en mourant, et être ainsi séparé de Dieu qui est le soutien de toute vie. Ils disparaîtront ainsi du cosmos » (Stackhouse 2016, 62). |
↑15 | Guillebaud 2014, 160. |
↑16 | John W. Wenham, « The Case for Conditional Immortality », dans Rethinking Hell, 2014, p. 80-82. |
↑17 | Par exemple, Mt 12.36 (ils rendront compte de toute parole vaine), Mt 12.41 (les Ninivites condamneront la génération de Jésus pour leur incroyance), Mt 23.35ss (tout le sang innocent répandu sur la terre retombera sur cette génération), Mc 3.29 (celui qui blasphème contre le Saint-Esprit est coupable d’un péché éternel), Mc 12.40 (les pharisiens seront jugés plus sévèrement), Mc 16.16 (celui qui ne croira pas sera condamné), etc. |
↑18 | L’exception à cela, qui provient de la parabole du pauvre Lazarre et du riche, parle d’un feu qui tourmente, mais il serait fallacieux de baser une doctrine sur des détails d’une parabole qui vise plutôt à faire un point essentiel. Au même titre qu’on ne peut pas inférer que 25% des gens seront sauvés, car dans la parabole du semeur, une terre sur quatre porte du fruit, on ne peut se baser sur les détails périphériques de la parabole de Lazarre et de l’homme riche. De plus, cette parabole affirme clairement parler du séjour des morts (Lc 16.23) et non de l’enfer, deux réalités bien distinctes : « La parabole de l’homme riche et de Lazarre semble référer au temps entre la mort et le jugement. Pour cette raison, c’est en dehors du but visé par ce livre et nous n’en discuterons pas (Guillebaud 2014, 156). » Jacoby (2013, 40-41) va dans le même sens : « Même si c’est tentant, nous ne devons pas tirer des doctrines à partir de détails mineurs d’une parabole. Est-ce qu’on peut déduire de la parabole de Jotam (Jg 9.7-15) que les arbres sont conscients ? Ou que, si nous trouvons un trésor dans un champ, nous sommes invités à tromper le propriétaire (Mt 13.44) ? Luc 16 suggère certainement des châtiments et des récompenses dans la vie future, mais le but de la parabole n’est pas de les décrire. Même des tenants de la position tourments éternels concèdent qu’il ne faut pas s’appuyer sur Lc 16 pour établir cette doctrine. » Cette parabole contient des inconsistances comme le fait qu’on parle en des termes physiques des personnes qui sont dans le séjour des morts et donc qui sont, par conséquent, désincarnées : des esprits sans corps. Enfin, même si on concédait que ce passage nous informe sur l’enfer, il n’affirme pas que les tourments sont éternels. |
↑19 | En Jn 11.50, le souverain sacrificateur Caïphe dit, en parlant de Jésus : « …il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure (άποθνῄσκω) pour le peuple et que la nation entière ne périsse (άπόλλυμι) pas. » Comme l’affirme Papaioannou (2015, 177-178, 183-184), il y a un parallèle évident entre le fait de mourir et de périr. |
↑20 | Fudge 2014, 35. |
↑21 | Véritable sujet de honte et d’horreur pour les gens du Proche-Orient ancien pour qui leur seul héritage est la mémoire qu’il laisse. |
↑22 | L’expression toutes choses (τὰ πάντα) est une formule standard pour faire référence à l’ensemble de l’univers créé (cf. 1 Co 8.6). |
↑23 | « Je crois que ce livre aidera plusieurs personnes à adorer Dieu encore plus et à proclamer l’Évangile avec plus de confiance » (Wenham ; dans Fudge 2011, xiii). |
Chui quand même d’accord. Mais concernant la souffrance éternel, la parabole du pauvre Lazare nous pousse à croire que ceux qui meurent sans Jesus finiront un jour dans le tourment et dans la flamme, sur le point même qu’il supplieront pour une goutte d’eau.
Je ne veux pas être plus clair que la bible et je crois que l’enfer ou le feu éternel sera réels.
Salut JC,
Merci pour ton commentaire!
Je suis d’accord avec toi que la parabole du pauvre Lazare affirme qu’il y a des souffrances après la vie pour les personnes qui meurent sans Jésus. Cependant, cette parabole ne dit pas que les souffrances seront éternelles (nulle part, dans cette parabole, Jésus ne dit que le riche souffrira pour toujours). Aussi, comme je disais à la note de bas de page #16 de l’article, cette parabole ne parle pas de l’enfer en tant que tel, mais du séjour des morts (hadès) : « Dans le séjour des morts, il leva les yeux et, tandis qu’il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham et Lazare dans son sein » (Luc 16.23). Le séjour des morts est l’endroit où les morts vont en attentant la résurrection et le jugement dernier à la fin des temps. Selon Apocalypse 20:14, le séjour des morts sera anéantis : « Et la mort et le séjour des morts furent jetés dans l’étang de feu. C’est la seconde mort, l’étang de feu. » L’enfer, c’est l’étang de feu, aussi appelé la géhenne.
Peux-tu donner les citations de Clément de Rome, Ignace d’Antioche, et Justin le philosophe martyr dont il est question?
Voici une partie de ce que vous demandez. Le reste est à venir.
http://www.theophile.xyz/2017/09/repenser-lenfer-lenseignement-peres-apostoliques-partie-1/
Je suis bien d’accord avec ton article. Le passage le plus problématique pour les conditionalistes est Apocalypse 20:10 (bien plus qu’Apocalypse 14: 9-14)! 🙂
C’est une bonne introduction en français, je l’ai partagé à certaines personnes. Merci de pousser les gens à se poser des questions pour essayer de retrouver le sens du texte comme a été l’esprit des réformateurs.
Question pour toi, comment considères-tu la pensée « prétériste-partiel » sur beaucoup des passages qui parlent de la Géhenne?
Samuel
Salut Samuel,
Merci pour ton commentaire et ton encouragement!
En disant que tu es bien d’accord avec mon article, veux-tu dire que tu te considères conditionnaliste/annihilationiste ? Juste par curiosité. 🙂
Je suis d’accord avec toi pour dire qu’Ap 20.10 est l’un des passages les plus difficiles, sinon LE passage le plus difficile pour les conditionnalistes. Je vais écrire un article là-dessus bientôt.
En ce qui concerne le prétérisme-partiel, je dois avouer ne pas tant avoir réfléchi à la question. Mais rapidement, il me semble que les nombreux passages sur le sort des incroyants dépassent largement le discours Apocalyptique de Jésus en Mt 24 et parallèle. Le livre d’Apocalypse, écrit dans les années 90, parle probablement de Rome et non de Jérusalem aussi. Mais comme je dis, il me faudrait d’abord voir ces interprétations qui font une lecture de la géhenne avec cette compréhension. Je n’ai pas vraiment été exposé à ça. Je serais curieux de te lire là-dessus.
Bonjour, je voudrais savoir qu’est-ce que c’est exactement le séjour des morts ? Les gens qui y sont dorment ? Ou c’est un lieu ou état d’attente tout en étant conscient ? Sinon très bon article, cela m’a quasiment convaincu… De quelle confession religieuse êtes-vous ? (Je suis en recherche spirituelle.)
Bonjour Sonny,
Je cherche ta source mentionnée dans ta note numéro 16, Wenham 2014. Je ne la trouve pas. Dans quel ouvrage as-tu lu les diverses catégories de versets sur l’enfer?
Salut Jean-Sébastien,
Voici la référence complète : John W. Wenham, « The Case for Conditional Immortality », dans Christopher Date M., Gregory G. Stump et Joshua W. Anderson (ed.), Rethinking Hell: Readings in Evangelical Conditionalism, Cambridge, Lutterworth, [1991] 2014, p. 80-82. L’article a été écrit en 1991 et republié dans ce collectif.
1/ Nulle part dans les Ecritures il n’est dit: « Sola scriptura »!
2/ Nombre de nos plus grands mystiques chrétiens ont eu des visions de l’enfer qui les laissèrent malades pendant plusieurs jours
3/L’enfer éternel et avec des souffrances indicibles est une réalité non humaine, quasiment impensable et proprement monstrueuse à l’évidence. Néanmoins elle s’impose à Dieu qui en a horreur: d’où l’incarnation et les souffrances invraisemblables du Sauveur pour qu’on n’y tombe pas; Dieu est sorti de lui-même pour assumer une humanité salvatrice.
Il va de soi que les Écritures n’affirme pas « Sola Scriptura » puisque les auteurs du N.T. n’avaient pas la conscience d’un canon néotestamentaire, un corpus d’écrits chrétiens sacrés que l’on appelle maintenant le « Nouveau Testament ». Votre argument m’apparaît anachronique. Néanmoins, l’autorité avec laquelle les auteurs du N.T. ont écrits en tant qu’apôtres ou dirigeants chrétiens des premières générations est sans pareille par rapport aux écrits chrétiens plus tardifs. Tout ce qui vient par la suite doit s’aligner avec ce qu’ils ont écrit au risque d’inventer un autre christianisme. Cette vérité est intuitivement vraie : si les mystiques plus tardifs racontent des visions incohérentes avec les données du N.T., alors ce sont de faux enseignants. Le besoin de l’incarnation du Sauveur demeure nécessaire pour éviter aux hommes la colère et le juste châtiment de Dieu qui culmine dans la mort éternelle et irrémédiable des pécheurs. La sainteté de Dieu est un feu dévorant.