L’objectif de Collins est très clair dans son article « 1 Corinthians 8:6 and Romans 11:36: a Pauline confession with a Hellenistic setting »1Collins, C. John, « 1 Corinthians 8:6 and Romans 11:36: a Pauline confession with a Hellenistic setting », Presbyterion, 43 (2017), p. 55-68. : démontrer que le Juif Aristobule, vers la moitié du 2e siècle av. J.-C., « a commencé un processus d’appropriation » de philosophie grecque dans lequel Rm 11,36 et 1 Co 8,6 s’insèrent (p. 57). Plus précisément, il met en évidence le lien manquant entre la formule aritobulienne et paulinienne. Ultimement, il argue que :
- La préposition ἐκ, qui renvoit à l’idée de source ou d’origine, est équivalente au nominatif ἀρχή,
- La préposition διἀ, qui dénote le moyen, l’instrumentalité ou l’agent intermédiaire, est équivalente au nominatif μέσα ou μέσση,
- La préposition εἰς, décrivant le but ou la finalité, est équivalente au nominatif τέλος ou τελευτή (p. 64).
Il cite un passage d’Eusèbe attribué à Aristobule (p. 61-62) :
ἔστι δὲ πάντως αὐτὸς ἐπουράνιος (Mais de toutes les façons, il est lui-même céleste)
καὶ ἐπὶ χθονὶ πάντα τελευτᾷ (et toutes choses il mène à son accomplissement sur la terre)
ἀρχὴν αὐτὸς ἔχων καὶ μέσσην ἠδὲ τελευτήν (tenant lui-même commencement, milieu et fin)
ὡς λόγος ἀρχαίων (Ainsi la parole des anciens)
Il remarque aussi une formule similaire chez Flavius Josèphe, Contre Apion, 2.190 [2.23] : « that God encompasses all things, perfect and blessed, self-sufficient and sufficing for all, that he is the beginning [ἀρχή], middle [μέσα], and end [τέλος] of all things ». Ces affirmations viennent de Platon (Lois, Livre 4, 715-e-716-a) : « Parlons leur donc ainsi : “Ô hommes, Dieu, commes les anciennes traditions le disent, il tient le commencement, la fin et le milieu de toutes choses qui existent…” » (p. 62). La formule d’Aristobule est très proche de celle de Platon. De même, tous les deux soutiennent que cette formule provient de traditions anciennes. (Réflexion personnelle : les ressemblances entre les deux textes rend presque certains qu’il y a une tradition autour de cette formule et la référence à des traditions anciennes invite à chercher au-delà d’eux !)
Collins remarque que la maxime de Marc Aurèle est souvent donné comme exemple de contribution à Rm 11,36 et 1 Co 8,6, mais la rejette puisque « this passage (…) come from more than a century after both Romans and 1 Corinthians, and therefore we can hardly use it to establish any kind of “formula” that predates the Pauline letters » (Collins souligne, p. 58-59). Il considère aussi les cinq causes d’une oeuvre artistique avancées par Sénèque : cause matérielle (à partir de laquelle), cause d’un agent (par qui), cause formelle (la forme donnée : ce dans quoi), la cause finale (le but de l’œuvre : ce vers quoi), la cause théorique (le pattern sur lequel est basé l’œuvre : à cause de quoi). Après cette descriptions des différentes causes, Sénèque mentionne ceci : « Toutes choses sont faites de matière et de Dieu » (p. 59). Il est possible que Paul réponde à une telle vision des choses, mais cela n’est pas évident.
Pour renforcer sa thèse (p. 63-64), Collins cite deux autres textes où le lien est clairement établit entre les prépositions grecques et les nominatifs qu’elles expriment. Le premier se trouve encore chez Eusèbe et est attribué à Atticus, un commentateur qui développe le texte de Platon cité ci-haut. Le deuxième texte vient d’Origène dans sa controverse avec Celse.
Le professeur d’Ancien Testament à Covenant Theological Seminary à St-Louis pense que Rm 11,36 et 1 Co 8,6 viennent d’une même tradition d’appropriation « des termes religio-philosophiques du monde hellénistique pour exprimer une idéologie biblique » (p. 60). Ces confessions de foi primitives ont rapidement été établies dans les églises pauliniennes et étaient adaptées aux différents contextes et besoins2Il est curieux qu’une telle intégration de la tradition philosophique initiée par un « Aristobule » au 2e siècle av. J.-C. apparaisse dans l’épître aux Romains qui fait mention d’un juif du même nom en Rm 16,10 : « Saluez ceux de la maison d’Aristobule. ».
Références
↑1 | Collins, C. John, « 1 Corinthians 8:6 and Romans 11:36: a Pauline confession with a Hellenistic setting », Presbyterion, 43 (2017), p. 55-68. |
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↑2 | Il est curieux qu’une telle intégration de la tradition philosophique initiée par un « Aristobule » au 2e siècle av. J.-C. apparaisse dans l’épître aux Romains qui fait mention d’un juif du même nom en Rm 16,10 : « Saluez ceux de la maison d’Aristobule. » |
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