Les églises sans dénomination

03/27/2019

Est-ce une faiblesse pour un pasteur d’être sans dénomination ? C’est ce qu’on me demandait dernièrement dans un échange sur les réseaux sociaux. Je publie à nouveau ma réponse ici.

La Bible ne parle évidemment pas de “dénomination” (ça serait un anachronisme de penser le contraire, comme demander ce que Jésus pensait des cellulaires), mais elle parle de relations entre dirigeants dans l’Église primitive.

Un des problèmes avec le pasteur sans dénomination, c’est qu’il n’a justement pas de pairs auprès de qui il est réellement redevable. Pourtant, Paul permit à Pierre, Jean et Jacques, le frère du Seigneur, d’examiner son message de la bonne nouvelle pour voir s’il n’était pas problématique (Ga 2,1-10) et même l’apôtre Pierre a été repris par Paul (Ga 2,11). Il y avait clairement un rapport de redevabilité entre dirigeants.

L’auteur de 3 Jean est critique d’un “pasteur” qui se coupe du reste des autres dirigeants et qui “ne reçoit pas les frères” et “qui parle contre” d’autres dirigeants. Bref, qui s’isole et fait l’église à sa manière et s’organise pour taire les critiques à son égard. Pour éviter l’abus spirituels et les dérives (tendance sectaires, mauvaises théologies), il est important que tout pasteur permette à des autorités externes d’avoir un regard critique sur son travail. C’est ce que le pasteur sans dénomination risque fortement de ne pas faire à cause de sa façon de penser et faire l’église.

Les églises primitives étaient conscientes d’être héritières d’un message commun provenant de la tradition orale qui faisait autorité et qui établissait leur identité chrétienne commune (1 Co 15,1-11). Et elles entretenaient aussi fréquemment des liens intentionnels entre communautés par l’entremise de ses dirigeants autant pour s’entraider des les besoins concrets (1 Co 16) que pour régler des nouvelles questions éthiques (Ac 15). Être sans dénomination, c’est prétendre être autonome, c’est être plus à risque de se couper du dialogue critique qui favorise l’humilité et la quête de vérité, comme le dit bien un proverbe biblique : “Le premier qui parle dans sa cause paraît juste. Vient sa partie adverse et on l’examine.” (Pr 18,17)

Être sans dénomination favorise aussi l’ignorance de nos liens et redevances historiques. C’est un autre problème qui peut nous condamner à répéter l’histoire… Au moins, les dénominations sont plus conscientes des mouvements historiques qui les ont influencées et favorisent ces liens inter-églises et le dialogue critique dans le respect mutuel.

S’inscrire dans une dénomination, c’est aussi reconnaître que nous sommes héritiers de traditions qui nous ont façonnés au travers l’histoire. Ceux qui demandent “mais que dit la Bible sur…” s’inscrivent dans l’héritage de Martin Luther. Ils disent donc inconsciemment “moi, je suis de Luther”. Ils sont influencés par bien d’autres courants sans le savoir. Trop souvent, les pasteurs sans dénomination, et les évangéliques en général, parle de la Bible comme si leur lecture se faisait sans médiation, comme si leur interprétation était direct entre “moi et la Bible”. Être conscient des influences historiques qui nous conditionnent à voir le texte d’une certaine manière est le premier pas vers une remise en question sincère et une réflexion critique. Et cela aide à former de meilleurs pasteurs pour prendre soin des églises, des pasteurs humbles et qui tend vers l’unité tout en reconnaissant leurs positions particulières face à la mosaïque de l’histoire et des options contemporaines.

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Théophile © 2015