Le dilemme d’Euthyphron

04/27/2011

Le dilemme d’Euthyphron est souvent perçu comme une vieille réfutation au fait de voir Dieu comme le fondement ultime de notre connaissance du bien et du mal. Dans les cours de philosophie, il n’est pas rare de voir ce dilemme être cité pour rétorquer à l’argument moral pour l’existence de Dieu :

  1. Si Dieu n’existe pas, alors la moralité objective n’existe pas.
  2. La moralité objective existe.
  3. Donc Dieu existe1William Lane Craig. 2008. Reasonnable Faith : Christian Faith and Apologetics. Wheaton: Crossway, p.172.

Le dilemme d’Euthyphron, qui nous est rapporté par la plume de Platon, aurait premièrement été formulé par Socrate, son maître (il y a environ 2500 ans). Dans le texte de l’Euthyphron, Socrate propose le dilemme ainsi : « Ce qui est saint est-il aimé des dieux parce qu’il est saint ou est-il saint parce qu’il est aimé des dieux2Platon. 2004. Le procès de Socrate : Euthyphron, Apologie de Socrate, Criton. Paris: Librio, p.27. »

En d’autres mots, est-ce qu’une action x est bonne parce que Dieu la commande ou Dieu commande l’action x parce qu’elle est bonne en soi? Est-ce que le bien est bien parce que Dieu le dit, ou Dieu voit le bien qui est indépendant de lui, puis nous dicte de faire le bien?

D’un côté, si ce qu’il commande fonde ce qui est bien, Dieu pourrait ordonner de se torturer les uns les autres et cela devrait être considéré comme bien puisque Dieu le dit. Cette idée offusque notre bon sens et c’est évidemment absurde. De l’autre côté, si Dieu commande ce qu’il sait reconnaître comme étant bien en soi, alors nous n’avons pas besoin de Dieu pour comprendre le bien ce qui reviendrait à détruire la première prémisse.

Ce qu’il faut comprendre ici, c’est qu’on nous propose un faux dilemme. Un faux dilemme est présenté lorsqu’on nous offre un certain nombre de choix limités alors qu’il y a d’autres options qu’on ne nous présente pas. Un faux dilemme, c’est forcer à choisir A ou B alors qu’il y aussi C, D, etc. Un vrai dilemme est présenté lorsque seulement un choix et son contraire son offert : A ou -A (non A) ou que toutes les options ont bel et bien été considérées.

Ici, Socrate force son compagnon à choisir entre le fait que le bien existe soit en fonction de la volonté divine ou de par lui-même de façon platonique (dans les nuages si on veut). Cependant, il y a une troisième option : le bien est fondé dans le caractère, l’être de Dieu. La Bible va dans ce sens :

  • « Vous serez saint, car je suis saint. » (Lv 11 :44),
  • « Aimons nous les uns les autres, car l’amour est de Dieu et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. » (1 Jn 4:8)

L’impasse dont on essaie de nous placer pour détruire cette prémisse n’est donc pas réellement un cul-de-sac. Et quand on y pense, il fait beaucoup plus de sens que le concept du bien soit incarné dans la personne de Dieu que dans le néant, car le bien et le mal s’imposent à nous sous forme d’obligation morale et non seulement d’information sur la nature morale des choses. Cela est d’autant plus vrai quand nous réfléchissons à la voix de notre conscience qui s’impose à nous lorsque l’idée de faire le bien ou de commettre le mal traverse notre esprit. Notre façon d’expérimenter la moralité suppose donc un législateur moral et un juste juge qui rend réel cette voix intérieure. Cette voix morale ne peut pas être impersonnelle (juste là dans les nuages) sinon nous ne ressentirions pas cette forte impression d’obligation et de responsabilité morale expérimentée dans la fierté d’avoir fait le bien et la culpabilité d’avoir fait le mal.

Comme Alexandre Vinet l’a écrit « Le remord est la morsure de la loi outragée dans le coeur du coupable3Matthieu Lelièvre. 1990. La théologie de Wesley (1885). France: Publications évangéliques méthodistes, p.154. » Une loi dans le coeur suppose donc un législateur. Et un législateur implique un être personnel 1) juste, 2) connaissant toutes nos actions donc omniscient et 3) capable de « rendre à chacun selon le bien ou le mal qu’il aura fait » donc très puissant. Bref, Dieu. Je crois que si nous écoutons la loi de notre conscience, celle-ci nous guide à Dieu et nous fait comprendre notre besoin de la croix de Jésus-Christ!

Références

Références
1 William Lane Craig. 2008. Reasonnable Faith : Christian Faith and Apologetics. Wheaton: Crossway, p.172
2 Platon. 2004. Le procès de Socrate : Euthyphron, Apologie de Socrate, Criton. Paris: Librio, p.27
3 Matthieu Lelièvre. 1990. La théologie de Wesley (1885). France: Publications évangéliques méthodistes, p.154

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