« Bonne prédication Sonny ! Mais je vais prier que tu aies plus l’onction du Saint-Esprit les prochaines fois. » C’est ce qu’un des membres de mon église m’a dit après ma toute première prédication. J’ai été poli. Je l’ai simplement « remercié »…
Comment prendre une telle remarque ? J’avais pris au sérieux ma préparation pour cette prédication, en prière et en étude. À mon sens, ça c’était bien passé. Me fallait-il faire une expérience mystique qui allait métamorphoser mon tempérament plutôt calme en homme charismatique ? Était-ce mon style de personnalité qu’il n’aimait tout simplement pas ? Espérait-il que je me moule à une certaine culture ecclésiale qu’il est venu à ériger en idéal ?
Par-dessus tout, qu’est-ce que veut dire « prêcher avec l’onction du Saint Esprit » ? Aux yeux de Dieu, qu’est-ce qui qualifie spirituellement une personne pour prêcher ? Sans doute que l’expression « démonstration d’Esprit et de puissance » que l’on retrouve en 1 Co 2,4 peut nous éclairer sur cette question.
Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d’Esprit et de puissance afin que votre foi fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu (1 Co 2,4-5).
En quoi consiste la « démonstration d’Esprit et de puissance » dont parle Paul ?
Un discours imprégné d’autorité spirituelle ?
Je me souviens aussi avoir entendu des prédicateurs faire référence à cette idée de « démonstration d’Esprit et de puissance » ou encore à la parole qui vient un peu plus tard en 1 Co 4,20 où Paul dit que « le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en puissance ». Jésus n’enseignait-il pas « comme ayant autorité et non pas comme leurs scribes » (Mt 7,29) parce qu’il était animé du Saint-Esprit ? Ces prédicateurs charismatiques en parlaient avec un ton autoritaire et une voix forte comme s’ils voulaient démontrer à l’auditoire que leur discours en était un de puissance provenant de l’Esprit.
Une telle interprétation est un peu ironique quand on regarde le contexte de la parole sur la « démonstration d’Esprit et de puissance ». Paul dit immédiatement avant que, lorsqu’il prêcha l’Évangile aux Corinthiens, il était « dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement (1 Co 2,3)1Michel Quesnel, La première épître aux Corinthiens (Commentaire biblique: Nouveau Testament), Vol. 7, Paris, Cerf, 2018, p. 84 : « faire naître une église dans une métropole comme Corinthe lui semblait certainement aussi rude que devoir soulever une montagne (le même couple est présent 2 Co 7,15, Ph 2,12). »
– 2 Co 7,15 : « Il éprouve pour vous un redoublement d’affection, au souvenir de votre obéissance à tous, et de l’accueil que vous lui avez fait avec crainte et tremblement. »
– Ph 2,12 : « Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours obéi, travaillez à votre salut avec crainte et tremblement, non seulement comme en ma présence, mais bien plus encore maintenant que je suis absent… »
Contrairement à ces deux autres passages du corpus paulinien, 1 Co 2,4 est le seul endroit où Paul parle de « grand tremblement ». Il fait donc référence à un état émotionnel plus intense que dans ces deux autres passages.. En quoi consistait la faiblesse de Paul ? Difficile à dire pour sûr. Cela pourrait être n’importe quoi qui explique une impression d’insuffisance pour la mission22 Co 2, 15-16 : « Nous sommes, en effet, pour Dieu la bonne odeur de Christ, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent : aux uns, une odeur de mort, donnant la mort ; aux autres, une odeur de vie, donnant la vie. –Et qui est suffisant pour ces choses ? – »
2 Co 3,5 : « Ce n’est pas à dire que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes. Notre capacité, au contraire, vient de Dieu. ». Cela pourrait inclure « une présence non impressionnante, une maladie repoussante [Ga 4,13-14], le fait qu’il travaille de ses mains3En 1 Co 9,12-27, Paul explique pourquoi il n’accepte pas le patronage offert par certaines personnes de Corinthe., sa relative pauvreté, sa vulnérabilité à la persécution, son refus de jouer la carte du beau-parleur. Il ne se délecte pas de sa faiblesse, mais il a appris à l’accepter comme le moyen par lequel la puissance de Dieu se révèle4David E. Garland, 1 Corinthians (Baker Exegetical Commentary on the New Testament), Grand Rapids MI, Baker, 2003, p. 84-85 ; Dans les p. 85-86, Garland offre aussi huit explications possibles pour l’expression « crainte et tremblement ». Karl-Josef Kuschel, Born Before All Time?: The Dispute Over Christ’s Origin, London, SCM, 1992, p. 277 considère que les tensions avec les dirigeants juifs mentionnées par Ac 18,1-17 se situent au début de son activité missionnaire à Corinthe.. »
Peu importe les circonstances peut-être particulières dans lesquelles Paul se trouvait quand il a fondé l’église de Corinthe, il semble qu’après 18 mois passés avec les Corinthiens (Ac 18,11), quelques-uns d’entre eux du moins gardèrent une mauvaise impression de ses capacités oratoires. Une fois partit de Corinthe, les échos qui lui parviennent est que « ses lettres sont sévères et fortes, mais, présent en personne, il est faible et sa parole est méprisable » (2 Co 10,10). En 2 Co 11,5-6, il concède que l’expression orale n’est pas sa plus grande force : « J’estime que je n’ai été inférieur en rien à ces apôtres par excellence. Si je suis un amateur5ίδιώτης : un laïc ; c’est-à-dire un commun des mortels, un non-expert comme les gens du peuple. sous le rapport du langage, je ne le suis point sous celui de la connaissance… »
Autrement dit, la puissance n’était pas dans le messager lui-même. En fait, si on prend 1 Co 2,4 dans son contexte, Paul démontre que l’objet de son message, Christ crucifié, nous parle de la « faiblesse de Dieu » (1 Co 1,23-25), que les récipiendaires de son message, les Corinthiens, ne font pas partie de l’élite sociale et peuvent être considérés « faibles » (1 Co 1,26-29) et que le messager, Paul lui-même, incarna aussi cette faiblesse lorsqu’il vint à Corinthe pour évangéliser (1 Co 2,1-5)6« Il répond en trois temps à des Corinthiens qui seraient tentés, sans doute à la suite d’Apollos, de considérer l’Évangile comme une sagesse méritant d’être portée par une éloquence verbale : 1. « Regardez le message » (1,18-25) ; 2. « Regardez-vous vous-mêmes » (1,26-31) ; 3. « Rappelez-vous ma prédication » (2,1-5). Rien de tout cela n’évoque puissance ni sagesse » (Michel Quesnel, La première épître aux Corinthiens, p. 78.)..
Néanmoins, Paul était en de bonnes compagnies : Moïse affirmait manquer d’éloquence (Ex 4,10), Ésaïe disait avoir des lèvres impures (És 6,5) et Jérémie disait « ne pas savoir comment parler » (Jé 1,6). Dieu choisit régulièrement de travailler au travers la faiblesse humaine7Roy E. Ciampa et Brian S. Rosner, The First Letter to the Corinthians (The Pillar New Testament Commentary), Grand Rapids MI, Eerdmans, 2010, p. 117..
Cette place proéminente de la faiblesse dans le modus operandi de Dieu est quelque peu dérangeante pour nous et c’est là le point : « L’apôtre présente le choix que Dieu a fait d’un nouveau moyen de salut, qui offense la sagesse du monde et subvertit les structures dominantes de la pensée conventionnelle. (…) Il en résulte une perte de repères pour tous8Michel Quesnel, La première épître aux Corinthiens, p. 78.. » Dieu déstabilise le monde par la croix9Benoît Bourgine, « Transmettre la foi au temps du selfie », dans Christophe Raimbault (dir.), Paul et son Seigneur. Trajectoires christologiques des épîtres pauliniennes. XXVIe congrès de l’Association catholique française pour l’étude de la Bible (Angers, 2016), Paris, Cerf, 2018, p. 414-415 : « La logique de la croix par laquelle Dieu inverse toutes les valeurs impose de placer au centre de l’annonce du salut une figure rebutante de Christ crucifié. Voilà bien un traditum difficile à transmettre ! Paul met le style de son annonce en correspondance avec l’inouï de son objet plutôt que de chercher à l’édulcorer pour le rendre plus acceptable. Paul ne recourt pas aux recettes de l’art oratoire, il refuse de se soumettre aux conseils du bon communicant selon les codes de son époque. Dieu a agi avec liberté en employant pour unique langage du salut le logos de la Croix, qui met en déroute toute autre sagesse. De manière conséquente, Paul ajuste le mode transmission à son objet. Le style de son annonce adopte les qualités antithétiques des traits recommandés à l’orateur pour persuader son auditoire… (1 Co 2, 3). Un tel message ne saurait être porté par une assurance, une habileté ou une force simplement humaines. Seule la puissance de l’Esprit est à même de transmettre l’intransmissible. ». Il appelle à un nouveau paradigme où les faibles et les rejetés ont une place d’honneur. C’est eux qu’il choisit. Il les choisit à cause de leur humilité et parce qu’ils sont conscients qu’ils ont radicalement besoin de Dieu.
En mettant l’accent autant sur la faiblesse, Paul fait-il l’éloge de la médiocrité oratoire ?
Non.
Ce qu’il rejette n’est pas la prédication ni même la prédication persuasive. Plutôt, c’est le réel danger derrière toute prédication : l’autosuffisance. Le danger est toujours de laisser la forme et le contenu entraver ce qui devrait être la principale préoccupation : l’Évangile proclamé au travers la faiblesse humaine, mais accompagnée de l’oeuvre puissante de l’Esprit de sorte que les vies soient changées au travers une rencontre entre le divin et l’humain10Gordon D. Fee, The First Epistle to the Corinthians (The New International Commentary on the New Testament), Grand Rapids MI, Eerdmans, 2014, p. 102..
Ou pour reprendre les mots de Clause Tassin, « l’Évangile du Tarsiote exclut les spots aveuglants et les décibels alourdissants11Claude Tassin, « Présence et absence », dans Paul et son Seigneur. Trajectoires christologiques des épîtres pauliniennes. XXVIe congrès de l’Association catholique française pour l’étude de la Bible (Angers, 2016), Christophe Raimbault (dir.), Paris, Cerf, 2018, p. 141 ; Les propos de Tassin, à la p. 138 du même article, sont également très pertinents concernant ce point sur l’autorité spirituelle : « Cependant, la différence fondamentale entre la proclamation orale de l’Évangile et les épîtres ne vient pas de la prudence ou de la pudeur de Paul, mais de ce principe : ‘Nous ne régentons pas votre foi’ (2 Co 1, 24), un adage visant certains apôtres qui, eux, s’imposent par leur autoritarisme médiatique (voir 2 Co 11, 20). Surtout, la dialectique entre la présence orale et l’absence comblée par les épîtres reflète une christologie. » Sur la relation entre parole et écrit chez Paul, voir aussi le chapitre « Oralité et textualité chez Paul », dans Werner H. Kelber et Jean Prignaud (trad.), Tradition orale et Écriture (Lectio Divina, 144), Paris, Cerf, 1991, p. 201-257 et Robert W. Funk, « Saying and Seeing : Phenomenology of Language and the New Testament », JBR, 34 (1966), p. 197-213 : « Paul s’intéresse moins au contenu des mots qu’à ce qu’ils effectuent, ce qu’ils mettent en branle, qu’à l’espace qu’ils créent pour la foi. Il ne s’arrête pas à une assertion donnée comme à une déclaration au sujet de quelque chose, il s’attache à l’invocation comme à un appel à quelque chose, comme à la communication d’une réalité à laquelle celui qui parle et celui qui écoute peuvent tous deux participer » (cf. 2 Co 3,6 ; Rm 10,17.. »
Des miracles comme signes d’approbation divine ?
Alors en quoi consiste la « démonstration d’Esprit et de puissance » dont parle l’apôtre ? Est-il en train de dire : « Bien que je ne sois pas très éloquent et que j’étais dans un état de faiblesse quand je vous ai annoncé l’Évangile, Dieu a confirmé mon message et vous a persuadé par l’entremise des miracles qu’il a faits au travers moi en votre présence » ?
Certains, en puisant ailleurs dans les lettres de Paul, notamment en Rm 15,17-1912Rm 15,17-19 : « J’ai donc sujet de me glorifier en Jésus Christ, pour ce qui regarde les choses de Dieu. Car je n’oserais mentionner aucune chose que Christ n’ait pas faite par moi pour amener les païens à l’obéissance, par la parole et par les actes, par la puissance des miracles et des prodiges, par la puissance de l’Esprit de Dieu, en sorte que, depuis Jérusalem et les pays voisins jusqu’en Illyrie, j’ai abondamment répandu l’Évangile de Christ. et Ga 3,1-513Ga 3,1-5 : « O Galates, dépourvus de sens ! qui vous a fascinés, vous, aux yeux de qui Jésus Christ a été peint comme crucifié ? Voici seulement ce que je veux apprendre de vous: Est-ce par les oeuvres de la loi que vous avez reçu l’Esprit ou par la prédication de la foi ? Êtes-vous tellement dépourvus de sens ? Après avoir commencé par l’Esprit, voulez-vous maintenant finir par la chair ? Avez-vous tant souffert en vain ? si toutefois c’est en vain. Celui qui vous accorde l’Esprit et qui opère des miracles parmi vous, le fait-il donc par les oeuvres de la loi, ou par la prédication de la foi ? pensent que c’est en cela que consiste la manifestation d’Esprit et de puissance14À son époque, Jean Calvin disait que « la plupart des commentateurs considéraient [la démonstration d’Esprit et de puissance] comme étant strictement reliée aux miracles », mais à son sens, cela devait être « pris de façon plus générale pour dire que le main de Dieu étant puissamment à l’oeuvre au travers l’instrumentalité de l’Apôtre. » (Jean Calvin, Commentary on the Epistles of Paul the Apostle to the Corinthians, Grand Rapids MI, Baker, 1984, p. 100).. Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, Paul n’écrit-il pas : « Les preuves de mon apostolat ont éclaté au milieu de vous par une patience à toute épreuve, par des signes, des prodiges et des miracles » (2 Co 12,12) ?
Le problème avec l’interprétation « démonstration d’Esprit et de puissance = miracles », c’est qu’elle contredit aussi l’argumentaire de Paul dans le contexte immédiat de 1 Co. Une règle d’exégèse importante consiste à donner préséance au contexte littéraire immédiat d’un texte par rapport à son environnement littéraire plus élargie. En 1 Co 1,22-24, l’apôtre présente l’Évangile qu’il offre comme allant à contre-courant de la quête de sagesse des Grecs et du désir de voir des miracles des Juifs : « Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse : nous, nous prêchons Christ crucifié ; scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs. »
Comment est-ce que la « démonstration d’Esprit et de puissance » de Paul pourrait-elle être considérée « scandale pour les Juifs » si elle répond exactement à ce qu’ils demandent ? Il vaut mieux conserver la logique : quand il était à Corinthe, au même titre que Paul ne répondait pas au critère d’honneur des Grecs qui cherchent la persuasion par l’éloquence et la rhétorique (ce qui constitue une sagesse), il ne répondait pas non plus au critère des Juifs qui demandent des miracles sur commande (une preuve de la puissance divine comme validation du message)15Ici, on peut penser à Lc 11,29-30 où Jésus réagit contre les demandes de miracles des Juifs dans un but de stricte validation : « Comme le peuple s’amassait en foule, il se mit à dire: cette génération est une génération méchante ; elle demande un miracle ; il ne lui sera donné d’autre miracle que celui de Jonas. Car, de même que Jonas fut un signe pour les Ninivites, de même le Fils de l’homme en sera un pour cette génération. » Jésus faisait des miracles, mais ceux-ci n’ont jamais une fin épistémologique seulement (prouver qu’il est envoyé de Dieu pour fonder le croire). Les miracles de Jésus s’inscrivent d’abord et avant tout dans une réelle compassion pour ceux qui souffrent et ils visent leur bien. Ce n’est que par la bande que « les signes et prodiges » confirment aussi son identité. De la même manière, Paul opérait des miracles parfois (Ac 13,4-13, 14,3, 14,8-10), mais jamais dans le cadre d’une pure demande à des fins de validation. Cette validation est souvent l’effet que produit le miracle et non ce qui le cause. Dans d’autres cas, comme en Ac 16,16-24, des miracles ne produisent pas la croyance, mais la haine et la violence contre les messagers de Dieu..
Un Esprit puissant qui…
Que reste-t-il de cette démonstration d’Esprit et de puissance si celle-ci n’implique pas une parole autoritaire ou des miracles ?
Ce qui est clair, c’est que Paul attribue la conversion des Corinthiens à la puissante intervention de l’Esprit. Il comprend la puissance de Dieu comme surpassant la faiblesse du prédicateur. La preuve de cette puissance n’est pas la main d’applaudissement provenant de l’auditoire suite à une démonstration d’art oratoire, mais leur vie transformée et la formation d’une nouvelle communauté. Paul ne parle pas des oeuvres de puissance (12,28) ou des « signes et prodiges » qui accompagnaient sa prédication (Rm 5,19, 2 Co 12,12), mais de leur conversion16David E. Garland, 1 Corinthians, p. 87. Je souligne. Gordon D. Fee, The First Epistle to the Corinthians, p. 100, va dans le même sens : « L’intention de Paul est claire à partir du contexte : même s’il était faible et que sa prédication manquait de ‘rhétorique’ et de ‘sagesse’, leur venue à la foi démontre qu’elle ne manquait pas de puissance. (…) Cela fait référence à leur conversion avec le don simultané du Saint-Esprit qui était probablement rendu évident par les dons du Saint-Esprit, particulièrement le don des langues. » Michel Quesnel, La première épître aux Corinthiens, p. 80, confirme un peu plus farouchement : « Il se peut que Paul fasse ici allusion aux manifestations charismatiques sur lesquelles il reviendra aux chapitres 12-14. Mais il peut aussi s’agir de la simple réussite de la prédication de Paul à Corinthe qui a débouché sur de nombreuses conversions et sur l’existence d’une Église d’une certaine importance, quelle qu’en soit la docilité. La foi des Corinthiens relève évidemment du second domaine. Sans l’intervention de Dieu, elle n’aurait pas été possible. ».
Tout au long de 1 Co 1-4, Paul explique comment les Corinthiens ont adhéré au message de l’Évangile par son entremise171 Co 1,6 : « le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi vous… »
1 Co 1,17 : « Ce n’est pas pour baptiser que Christ m’a envoyé, c’est pour annoncer l’Évangile… »
1 Co 2,6 : « C’est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits… »
1 Co 3,5 : « Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs, par le moyen desquels vous avez cru, selon que le Seigneur l’a donné à chacun. »
1 Co 4,15 : « Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus Christ par l’Évangile.. Paul a été le premier à leur annoncer l’Évangile et ce message a transformé leur vie. Par la suite, Paul les a quittés et Apollos, un prédicateur très éloquent et dynamique dans sa personnalité (Ac 18,24-25) est venu pour un temps à l’Église de Corinthe. Ses enseignements ont été fort apprécié autant à cause de sa forme (rhétorique) que son contenu philosophique (sagesse grecque). Cette appréciation des talents oratoires d’Apollos a eu pour effet, malgré Apollos, d’exciter certains Corinthiens à la comparaison et à la dévalorisation du ministère de Paul. Ils commencèrent à percevoir Paul comme étant moins spirituel, car moins animés de cette capacité de bien parler. Certainement, une personne remplie de la puissance de Dieu, du Saint-Esprit, parlera avec confiance, clarté, rigueur intellectuelle, se disaient-ils.
Paul discerne leur vision des choses et désire recadrer leur perspective du rôle de l’Esprit et de l’Évangile en même temps. Il remet en question leur vision triomphaliste du Saint-Esprit : le but de l’Esprit n’est pas de nous aider à devenir des êtres super-performants, des « sages et intelligents », à faire partie des grands de ce monde (1 Co 1,27-31). Son but est de nous aider à vivre selon Dieu dans la réalité qui est la nôtre, parsemée de faiblesses et d’insuffisances, à vivre comme Christ selon l’idéal de Dieu, notamment dans l’humilité et la reconnaissance de notre besoin de Dieu.
Lorsqu’il arrive en 1 Co 2,4, Paul emploie le langage des Corinthiens. Le mot grec derrière le mot français « démonstration » est apodeixei (ἀποδείξει). C’est un mot unique dans le NT, un terme technique emprunté à la philosophie grecque. L’apodeixei est une preuve qui suscite la persuasion par la rigueur du raisonnement et par la qualité de l’éloquence. En empruntant ce terme technique à la philosophie grecque et en l’attribuant au Saint-Esprit, Paul dit que « l’évidence ne vient pas de preuves externes… Plutôt, l’évidence repose dans les Corinthiens eux-mêmes et leur propre expérience de l’Esprit alors qu’ils ont répondu au message de l’Évangile18Gordon D. Fee, The First Epistle to the Corinthians, p. 100.. » Même si Paul était nerveux et maladroit dans l’exposition de l’Évangile, l’Esprit les a puissamment convaincus de l’intérieur. Voilà la preuve de la puissance spirituelle du message. Le développement qui suit immédiatement après (v. 6-16) explique comment le Saint-Esprit constitue la puissance de Dieu nécessaire à la compréhension du plan de Dieu, à la révélation des « choses que Dieu a préparées pour ceux qui l’aiment » (1 Co 2,9)191 Co 2,10 : « Dieu nous les a révélées par l’Esprit… »
1 Co 2,12 : « Or nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce. »
1 Co 2,16 : « Car ‘Qui a connu la pensée du Seigneur pour l’instruire ?’ Or nous, nous avons la pensée de Christ. »
Deux autres remarques : 1 – « Esprit » et « puissance » sont souvent synonymiques et interchangeables. On voit en 1 Co 5,4 : « Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance [= avec l’Esprit] de notre Seigneur Jésus, qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus. » Cette construction s’appelle un hendiadys (du grec ἓν διὰ δυοῖν qui signifie « un au moyen de deux ») qui consiste à parler d’une réalité en employant deux mots qui en fin de compte se complètent : c’est une démonstration d’une puissance spirituelle ou de l’Esprit puissant (David E. Garland, 1 Corinthians, p. 87).
2 – Est-ce que Paul strictement de leur venue à la foi sans expérience « extraordinaire » ? Gordon Fee pense qu’il est fort probable que, pour les Corinthiens, l’expression « une démonstration d’Esprit et de puissance » leur aurait rappelé des signes visibles de la présence de l’Esprit (Gordon D. Fee, The First Epistle to the Corinthians, p. 100, n. 216). Au début de l’épître, on voit le lien entre « réception de l’Évangile/conversion » et « dons du Saint-Esprit » dès le début de l’épître : « le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi vous, de sorte qu’il ne vous manque aucun don, dans l’attente où vous êtes de la manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. » (1 Co 1,6) Mais la conjonction ὥστε en 1,7 (de sorte qu’il ne vous manque aucun don… ») rend claire l’antériorité de la conversion par rapport à l’expérience des dons spirituels. Le point majeur de Paul concerne la persuasion que l’Esprit a suscitée chez les Corinthiens en vue de leur conversion. Il ne faut pas mettre la charrue devant les boeufs. Paul ne dit rien sur les miracles dans les ch. 1-4, parce que là n’est pas son point, mais il parle abondamment de comment l’Esprit révèle les choses de Dieu, le plan de Dieu en Christ. Le point est essentiellement : le Saint-Esprit vous a convaincu de l’intérieur de la validité de mon message. Une démonstration d’Esprit et de puissance consiste en des vies transformées par l’Esprit suite à une prédication même si la prestation du prédicateur était faible, qu’il était stressé et tremblant..
Conclusion
Bref, Paul dit que la preuve de la puissance spirituelle qui accompagnait son message se trouve dans le contraste entre sa faiblesse personnelle et la conversion même des Corinthiens. Si de la piètre performance oratoire de Paul est née la foi des Corinthiens, c’est parce qu’entre les deux se trouve l’expérience de l’Esprit qui les a puissamment convaincus de l’intérieur. Cela, aucun autre orateur ne pourra leur enlever : leur foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu, sur leur expérience spirituelle.
Il me semble qu’en fin de compte, ce passage constitue une source d’encouragement pour toute personne appelée à prendre la parole pour Dieu : malgré nos imperfections, nos faiblesses, notre stress, nos blocages, nommez le problème, alors que nous parlons tels que nous sommes, nous pouvons avoir l’assurance que l’Esprit est assez puissant pour produire un effet dans le coeur des auditeurs même à partir de nos humbles performances oratoires. Si tel était le cas pour Paul en contexte d’acquisition de la foi (conversion), cela ne devrait-il pas aussi être vrai en contexte de maintien de la foi, à l’intérieur de l’Église ? Ce qui est puissant n’est pas le messager lui-même ou la forme de son discours, mais l’Esprit qui est garant de son propre message. Si nous prêchons l’Évangile et non un autre message inspiré de l’air du temps (psychologie, philosophie, etc.), nous pouvons avoir l’assurance que l’Esprit fera son oeuvre.
Ironiquement, quelques prédications après ma première, j’en ai fait une autre où j’ai moi-même trouvé que ma préparation ne m’avait pas inspirée et ma performance avait été mauvaise. Pourtant, immédiatement après, une femme est venue me voir toute excitée pour me dire comment Dieu lui avait parlé : « De A à Z ton message était pour moi ! Dès ton introduction, tu parlais exactement de ma situation ! » L’Esprit avait un message puissant pour elle ce jour-là.
Références
↑1 | Michel Quesnel, La première épître aux Corinthiens (Commentaire biblique: Nouveau Testament), Vol. 7, Paris, Cerf, 2018, p. 84 : « faire naître une église dans une métropole comme Corinthe lui semblait certainement aussi rude que devoir soulever une montagne (le même couple est présent 2 Co 7,15, Ph 2,12). » – 2 Co 7,15 : « Il éprouve pour vous un redoublement d’affection, au souvenir de votre obéissance à tous, et de l’accueil que vous lui avez fait avec crainte et tremblement. » – Ph 2,12 : « Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours obéi, travaillez à votre salut avec crainte et tremblement, non seulement comme en ma présence, mais bien plus encore maintenant que je suis absent… » Contrairement à ces deux autres passages du corpus paulinien, 1 Co 2,4 est le seul endroit où Paul parle de « grand tremblement ». Il fait donc référence à un état émotionnel plus intense que dans ces deux autres passages. |
---|---|
↑2 | 2 Co 2, 15-16 : « Nous sommes, en effet, pour Dieu la bonne odeur de Christ, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent : aux uns, une odeur de mort, donnant la mort ; aux autres, une odeur de vie, donnant la vie. –Et qui est suffisant pour ces choses ? – » 2 Co 3,5 : « Ce n’est pas à dire que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes. Notre capacité, au contraire, vient de Dieu. » |
↑3 | En 1 Co 9,12-27, Paul explique pourquoi il n’accepte pas le patronage offert par certaines personnes de Corinthe. |
↑4 | David E. Garland, 1 Corinthians (Baker Exegetical Commentary on the New Testament), Grand Rapids MI, Baker, 2003, p. 84-85 ; Dans les p. 85-86, Garland offre aussi huit explications possibles pour l’expression « crainte et tremblement ». Karl-Josef Kuschel, Born Before All Time?: The Dispute Over Christ’s Origin, London, SCM, 1992, p. 277 considère que les tensions avec les dirigeants juifs mentionnées par Ac 18,1-17 se situent au début de son activité missionnaire à Corinthe. |
↑5 | ίδιώτης : un laïc ; c’est-à-dire un commun des mortels, un non-expert comme les gens du peuple. |
↑6 | « Il répond en trois temps à des Corinthiens qui seraient tentés, sans doute à la suite d’Apollos, de considérer l’Évangile comme une sagesse méritant d’être portée par une éloquence verbale : 1. « Regardez le message » (1,18-25) ; 2. « Regardez-vous vous-mêmes » (1,26-31) ; 3. « Rappelez-vous ma prédication » (2,1-5). Rien de tout cela n’évoque puissance ni sagesse » (Michel Quesnel, La première épître aux Corinthiens, p. 78.). |
↑7 | Roy E. Ciampa et Brian S. Rosner, The First Letter to the Corinthians (The Pillar New Testament Commentary), Grand Rapids MI, Eerdmans, 2010, p. 117. |
↑8 | Michel Quesnel, La première épître aux Corinthiens, p. 78. |
↑9 | Benoît Bourgine, « Transmettre la foi au temps du selfie », dans Christophe Raimbault (dir.), Paul et son Seigneur. Trajectoires christologiques des épîtres pauliniennes. XXVIe congrès de l’Association catholique française pour l’étude de la Bible (Angers, 2016), Paris, Cerf, 2018, p. 414-415 : « La logique de la croix par laquelle Dieu inverse toutes les valeurs impose de placer au centre de l’annonce du salut une figure rebutante de Christ crucifié. Voilà bien un traditum difficile à transmettre ! Paul met le style de son annonce en correspondance avec l’inouï de son objet plutôt que de chercher à l’édulcorer pour le rendre plus acceptable. Paul ne recourt pas aux recettes de l’art oratoire, il refuse de se soumettre aux conseils du bon communicant selon les codes de son époque. Dieu a agi avec liberté en employant pour unique langage du salut le logos de la Croix, qui met en déroute toute autre sagesse. De manière conséquente, Paul ajuste le mode transmission à son objet. Le style de son annonce adopte les qualités antithétiques des traits recommandés à l’orateur pour persuader son auditoire… (1 Co 2, 3). Un tel message ne saurait être porté par une assurance, une habileté ou une force simplement humaines. Seule la puissance de l’Esprit est à même de transmettre l’intransmissible. » |
↑10 | Gordon D. Fee, The First Epistle to the Corinthians (The New International Commentary on the New Testament), Grand Rapids MI, Eerdmans, 2014, p. 102. |
↑11 | Claude Tassin, « Présence et absence », dans Paul et son Seigneur. Trajectoires christologiques des épîtres pauliniennes. XXVIe congrès de l’Association catholique française pour l’étude de la Bible (Angers, 2016), Christophe Raimbault (dir.), Paris, Cerf, 2018, p. 141 ; Les propos de Tassin, à la p. 138 du même article, sont également très pertinents concernant ce point sur l’autorité spirituelle : « Cependant, la différence fondamentale entre la proclamation orale de l’Évangile et les épîtres ne vient pas de la prudence ou de la pudeur de Paul, mais de ce principe : ‘Nous ne régentons pas votre foi’ (2 Co 1, 24), un adage visant certains apôtres qui, eux, s’imposent par leur autoritarisme médiatique (voir 2 Co 11, 20). Surtout, la dialectique entre la présence orale et l’absence comblée par les épîtres reflète une christologie. » Sur la relation entre parole et écrit chez Paul, voir aussi le chapitre « Oralité et textualité chez Paul », dans Werner H. Kelber et Jean Prignaud (trad.), Tradition orale et Écriture (Lectio Divina, 144), Paris, Cerf, 1991, p. 201-257 et Robert W. Funk, « Saying and Seeing : Phenomenology of Language and the New Testament », JBR, 34 (1966), p. 197-213 : « Paul s’intéresse moins au contenu des mots qu’à ce qu’ils effectuent, ce qu’ils mettent en branle, qu’à l’espace qu’ils créent pour la foi. Il ne s’arrête pas à une assertion donnée comme à une déclaration au sujet de quelque chose, il s’attache à l’invocation comme à un appel à quelque chose, comme à la communication d’une réalité à laquelle celui qui parle et celui qui écoute peuvent tous deux participer » (cf. 2 Co 3,6 ; Rm 10,17. |
↑12 | Rm 15,17-19 : « J’ai donc sujet de me glorifier en Jésus Christ, pour ce qui regarde les choses de Dieu. Car je n’oserais mentionner aucune chose que Christ n’ait pas faite par moi pour amener les païens à l’obéissance, par la parole et par les actes, par la puissance des miracles et des prodiges, par la puissance de l’Esprit de Dieu, en sorte que, depuis Jérusalem et les pays voisins jusqu’en Illyrie, j’ai abondamment répandu l’Évangile de Christ. |
↑13 | Ga 3,1-5 : « O Galates, dépourvus de sens ! qui vous a fascinés, vous, aux yeux de qui Jésus Christ a été peint comme crucifié ? Voici seulement ce que je veux apprendre de vous: Est-ce par les oeuvres de la loi que vous avez reçu l’Esprit ou par la prédication de la foi ? Êtes-vous tellement dépourvus de sens ? Après avoir commencé par l’Esprit, voulez-vous maintenant finir par la chair ? Avez-vous tant souffert en vain ? si toutefois c’est en vain. Celui qui vous accorde l’Esprit et qui opère des miracles parmi vous, le fait-il donc par les oeuvres de la loi, ou par la prédication de la foi ? |
↑14 | À son époque, Jean Calvin disait que « la plupart des commentateurs considéraient [la démonstration d’Esprit et de puissance] comme étant strictement reliée aux miracles », mais à son sens, cela devait être « pris de façon plus générale pour dire que le main de Dieu étant puissamment à l’oeuvre au travers l’instrumentalité de l’Apôtre. » (Jean Calvin, Commentary on the Epistles of Paul the Apostle to the Corinthians, Grand Rapids MI, Baker, 1984, p. 100). |
↑15 | Ici, on peut penser à Lc 11,29-30 où Jésus réagit contre les demandes de miracles des Juifs dans un but de stricte validation : « Comme le peuple s’amassait en foule, il se mit à dire: cette génération est une génération méchante ; elle demande un miracle ; il ne lui sera donné d’autre miracle que celui de Jonas. Car, de même que Jonas fut un signe pour les Ninivites, de même le Fils de l’homme en sera un pour cette génération. » Jésus faisait des miracles, mais ceux-ci n’ont jamais une fin épistémologique seulement (prouver qu’il est envoyé de Dieu pour fonder le croire). Les miracles de Jésus s’inscrivent d’abord et avant tout dans une réelle compassion pour ceux qui souffrent et ils visent leur bien. Ce n’est que par la bande que « les signes et prodiges » confirment aussi son identité. De la même manière, Paul opérait des miracles parfois (Ac 13,4-13, 14,3, 14,8-10), mais jamais dans le cadre d’une pure demande à des fins de validation. Cette validation est souvent l’effet que produit le miracle et non ce qui le cause. Dans d’autres cas, comme en Ac 16,16-24, des miracles ne produisent pas la croyance, mais la haine et la violence contre les messagers de Dieu. |
↑16 | David E. Garland, 1 Corinthians, p. 87. Je souligne. Gordon D. Fee, The First Epistle to the Corinthians, p. 100, va dans le même sens : « L’intention de Paul est claire à partir du contexte : même s’il était faible et que sa prédication manquait de ‘rhétorique’ et de ‘sagesse’, leur venue à la foi démontre qu’elle ne manquait pas de puissance. (…) Cela fait référence à leur conversion avec le don simultané du Saint-Esprit qui était probablement rendu évident par les dons du Saint-Esprit, particulièrement le don des langues. » Michel Quesnel, La première épître aux Corinthiens, p. 80, confirme un peu plus farouchement : « Il se peut que Paul fasse ici allusion aux manifestations charismatiques sur lesquelles il reviendra aux chapitres 12-14. Mais il peut aussi s’agir de la simple réussite de la prédication de Paul à Corinthe qui a débouché sur de nombreuses conversions et sur l’existence d’une Église d’une certaine importance, quelle qu’en soit la docilité. La foi des Corinthiens relève évidemment du second domaine. Sans l’intervention de Dieu, elle n’aurait pas été possible. » |
↑17 | 1 Co 1,6 : « le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi vous… » 1 Co 1,17 : « Ce n’est pas pour baptiser que Christ m’a envoyé, c’est pour annoncer l’Évangile… » 1 Co 2,6 : « C’est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits… » 1 Co 3,5 : « Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs, par le moyen desquels vous avez cru, selon que le Seigneur l’a donné à chacun. » 1 Co 4,15 : « Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus Christ par l’Évangile. |
↑18 | Gordon D. Fee, The First Epistle to the Corinthians, p. 100. |
↑19 | 1 Co 2,10 : « Dieu nous les a révélées par l’Esprit… » 1 Co 2,12 : « Or nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce. » 1 Co 2,16 : « Car ‘Qui a connu la pensée du Seigneur pour l’instruire ?’ Or nous, nous avons la pensée de Christ. » Deux autres remarques : 1 – « Esprit » et « puissance » sont souvent synonymiques et interchangeables. On voit en 1 Co 5,4 : « Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance [= avec l’Esprit] de notre Seigneur Jésus, qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus. » Cette construction s’appelle un hendiadys (du grec ἓν διὰ δυοῖν qui signifie « un au moyen de deux ») qui consiste à parler d’une réalité en employant deux mots qui en fin de compte se complètent : c’est une démonstration d’une puissance spirituelle ou de l’Esprit puissant (David E. Garland, 1 Corinthians, p. 87). 2 – Est-ce que Paul strictement de leur venue à la foi sans expérience « extraordinaire » ? Gordon Fee pense qu’il est fort probable que, pour les Corinthiens, l’expression « une démonstration d’Esprit et de puissance » leur aurait rappelé des signes visibles de la présence de l’Esprit (Gordon D. Fee, The First Epistle to the Corinthians, p. 100, n. 216). Au début de l’épître, on voit le lien entre « réception de l’Évangile/conversion » et « dons du Saint-Esprit » dès le début de l’épître : « le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi vous, de sorte qu’il ne vous manque aucun don, dans l’attente où vous êtes de la manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. » (1 Co 1,6) Mais la conjonction ὥστε en 1,7 (de sorte qu’il ne vous manque aucun don… ») rend claire l’antériorité de la conversion par rapport à l’expérience des dons spirituels. Le point majeur de Paul concerne la persuasion que l’Esprit a suscitée chez les Corinthiens en vue de leur conversion. Il ne faut pas mettre la charrue devant les boeufs. Paul ne dit rien sur les miracles dans les ch. 1-4, parce que là n’est pas son point, mais il parle abondamment de comment l’Esprit révèle les choses de Dieu, le plan de Dieu en Christ. Le point est essentiellement : le Saint-Esprit vous a convaincu de l’intérieur de la validité de mon message. Une démonstration d’Esprit et de puissance consiste en des vies transformées par l’Esprit suite à une prédication même si la prestation du prédicateur était faible, qu’il était stressé et tremblant. |
Je crois que nous sommes dans une culture d’église qui recherche trop souvent les mouvements puissant de l’Esprit. On espère trop souvent que les prédicateurs fassent tomber du feux du ciel par leur parole. Pour ma part, on me parle souvent de mon dynamisme, de ma fougue et de ma facilité à m’exprimer mais très peu du contenue. Ce qui me fache encore plus, parce que je passe maintenant plus de temps à ma préparation et étude qu’avant. C’est là, que je suis arrivé à la même conclusion que toi. Que la vrai puissance de l’Esprit est lorsque Dieu est glorifié par le message malgré nos forces et faiblesses.
J’apprécie cette étude sur la démonstration d’Esprit et de puissance. Elle replace les choses dans leur contexte biblique. Même si l’Eglise doit faire un effort pour être comprise en notre temps, elle doit aussi se méfier de devenir idolâtre … Les auditoires « adorent » ou pas les orateurs et écoutent ce qu’ils veulent quand ils veulent. Ils attendent des choses qui les rassurent. Un miracle rassure sur la présence de Dieu. La foi n’est plus utile … Pourtant, nous sommes sauvés par la foi, nous marchons par la foi, nous croyons par la foi ce que la Parole nous enseigne. Pour moi, en tant que pasteur, j’ai l’assurance que l’onction du St Esprit est sur ma prédication, qu’elle soit ordinaire ou pas, si seulement Dieu veut opérer quelque chose qu’il a prévu. Il pourrait le faire sans moi, mais il choisit des « porte-parole » pour accomplir son plan. Il ne choisit pas des spectacles bien qu’il peut le faire, ni des décors, des ambiances, ou autre … Il s’invite de toute façon car il nous a promis sa présence jusqu’à la fin du monde !!! Merci et AMEN !!!
Actes 19:11-12 – 11 Et Dieu faisait des miracles extraordinaires par les mains de Paul, 12 au point qu’on appliquait sur les malades des linges ou des mouchoirs qui avaient touché son corps, et les maladies les quittaient, et les esprits malins sortaient.
Le passage que vous proposez fait référence au séjour de Paul à Éphèse et non à Corinthe. Prendre des passages d’autres livres et le plaquer sur une lettre de Paul aux dépens du contexte littéraire immédiat de sa propre lettre n’est pas une bonne pratique d’éxégèse. Si les Juifs demandent des miracles (1 Co 1,22) et que Paul en fait plusieurs à Corinthe, alors pourquoi l’évangile est-il encore un « scandale pour les Juifs » ? ( 1 Co 1,23)