Lors des débats, ou à chaque fois que l’on tente de persuader quelqu’un, il est important de savoir reconnaître les sophismes (raisonnements erronés) afin d’éviter premièrement d’en faire soi-même et deuxièmement de se laisser induire en erreur par d’autres personnes.
Le sophisme ad hominem veut littéralement dire « contre l’homme ». C’est un raisonnement erroné qui consiste à concentrer l’attention du débat sur la personne plutôt que sur l’idée ou la position que défend la personne. « Souvent, un ad hominem insinue qu’il existe un lien entre les traits de caractère d’une personne et les idées ou les arguments qu’elle met de l’avant ; on souhaite par là discréditer une proposition en discréditant la personne qui l’énonce1Normand Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Montréal, Lux, 2006, p. 66.. » « Cependant, le caractère d’un individu est logiquement impertinent quant à la véracité ou la fausseté des dires d’une personne ou sur la validité ou l’invalidité du raisonnement de la personne2Irving M. Copi et Carl Cohen, Introduction to Logic, New Jersey NJ, Prentice Hall, 2002, p. 143.. » Le sophisme Ad Hominem peut prendre cinq formes différentes.
1. Abusif (attaque personnelle)
« Ceux qui croient en Dieu sont paresseux intellectuellement car la science peut tout expliquer sans faire appel à Dieu. Si seulement ils utilisaient leur cerveau!… »
« Jenny! C’est carrément ridicule de croire que les gens vivaient plus de 900 ans dans le temps de Noé! Franchement… Ça pas de bon sens! Les gens ne vivent pas plus de 110-120 ans! C’est évident! » (Moi, à ma soeur, avant de devenir chrétien)
Il s’agit ici tout simplement de dénigrer l’autre personne en l’insultant à cause de son point de vue plutôt que de démontrer pourquoi le point de vue ne devrait pas être soutenue. En d’autres mots, c’est de l’intimidation intellectuelle par le rabaissement. Cela peut avoir un impact sur le plan émotionnel et dissuader la personne de tenir une telle position, mais sur le plan intellectuel, cela ne vaut rien, ne démontre rien, ne prouve rien. Ce n’est pas certaines caractéristiques de la personne avec qui ont débat qu’il faut attaquer, mais l’idée que cette personne soutient. Lorsque le débat prend une tournure personnelle négative comme cela, c’est signe que l’on s’éloigne de la vérité et qu’on utilise des tactiques pour prendre soins de notre ego.
2. Tu quoque (toi aussi)
Une mère dit à son enfant : « Petit, fumer est très mauvais pour la santé! » De son côté, le petit garçon voit que sa mère fume et lui répond : « Après tout, fumer ne doit pas être si mauvais que ça pour la santé puisque tu fumes! »
La proposition « fumer est très mauvais pour la santé » n’est absolument pas à être remise en question parce qu’elle sort de la bouche d’une personne qui fume. Au mieux, cela démontre que les pensées et les actions de la mère se contredisent. Nous n’avons qu’à penser : est-ce que cette proposition est vraie lorsqu’elle sort de la bouche d’un non-fumeur et fausse lorsqu’elle sort de la bouche d’un fumeur? Cela serait absurde de le penser. Il faut donc apprendre à distinguer le point de vue d’une personne (sa thèse) et son caractère.
3. Culpabilité par association (ou mauvaise compagnie)
« Si les chrétiens avaient la vérité, on ne verrait pas autant d’atrocités dans l’histoire de l’Église. Nous n’avons qu’à penser aux Croisades et à l’Inquisition… »
Encore une fois, il ne suffit pas de pointer vers l’immoralité d’une personne qui tient un point de vue x pour invalider x. Il faut démontrer le lien entre x et l’immoralité. Pour reprendre l’exemple des croisades, pour que l’argument soit valide contre le christianisme, il faudrait démontrer que Jésus-Christ ou le Nouveau Testament promeut ce genre d’entreprise répréhensible. Est-ce que le Christianisme était vrai avant les croisades et faux après?
4. Génétique
« Les personnes qui croient en Dieu y croient parce qu’ils ont besoin d’une béquille. La religion est donc quelque chose d’inventer par et pour les personnes faibles. »
Ici, il s’agit du sophisme génétique dont j’ai fait un post dans le passé (cliquer ici). On attire l’attention sur la façon dont les gens viennent à croire en l’existence de Dieu plutôt que de réfuter l’existence de Dieu elle-même. En fait, il m’apparaît évident que dans ce cas, qu’on présuppose d’abord que Dieu n’existe pas pour ensuite donner une interprétation psychologique des personnes qui y croient. Les croyants pourraient faire le contraire en affirmant tout simplement que l’athéisme est la projection d’une enfance frustrée par la facette du père. Celui-ci a soit été absent ou abusif. Une fois la relation père-fils brisé, ce dernier se rebelle contre son Créateur (qui représente aussi un Père) en niant son existence. Dans les deux cas, on présuppose notre point de vue pour psychanalysé l’autre. Cela ne peut constituer un argument pour ou contre l’existence de Dieu.
5. Empoisonnement du puit
« Francis s’est fait lavé le cerveau! Il est brainwashé par son nouveau groupe religieux! N’écoute donc rien de ce qu’il te dit. C’est tout faux! »
Copi & Cohen affirme que cette tactique « est particulièrement perverse » (Introduction to Logic, p.145). Cela est vrai parce qu’une fois qu’on l’utilise sur quelqu’un, peu importe ce qu’elle dira sera considéré comme faux. Cependant, il suffirait seulement que la soi-disante personne « brainwashé » dise à ses détracteurs 2 + 2 = 4 pour démontrer que ce raisonnement est erroné. Chaque affirmation et argument doivent être examinés pour leurs propres mérites.
Pour résumé, lorsqu’on débat d’idées n’ayant pas de liens avec le caractère d’une personne (ex: la politique, la religion/spiritualité, l’éthique, etc.), il est illogique de pointer vers son caractère. Cela étant dit, si l’objet du débat est l’intégrité d’une personne (un trait de caractère), il peut certes s’avérer important de pointer l’inconsistance qu’une personne a entre ses idées et ses pratiques. Si le débat est « est-il bon pour toi d’avoir tel ami? », il peut aussi être bon de pointer vers la mauvaise influence que ces amis peuvent avoir. Mon point, pour finir, est qu’il faut distinguer clairement l’objet du débat et rester sur le sujet : est-ce que le débat est directement en lien avec le caractère de la personne ou non? Si non, alors pointer vers sa personne d’une manière ou d’une autre, c’est commettre un faux pas intellectuel, une erreur en logique, le sophisme Ad Hominem.
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