Qui créa Dieu?

12/18/2011

Une des objections faites par les athées à l’argument cosmologique (origine de l’univers) pour l’existence de Dieu est celle-ci : si Dieu a créé l’univers alors qui a créé Dieu ? Plusieurs réfutations peuvent être faites à cette objection…

1 – « Qui créa Dieu? » est une erreur de catégorie

Imaginons une discussion entre un athée (A) et un croyant (C) :
C- Je crois que Dieu existe, car il est la seule explication plausible à l’origine de l’univers.
A- Si Dieu a créé l’univers, alors qui a créé Dieu ?
C- Ta question est un peu comme la question : « Combien de kilogrammes pèse la couleur bleue ? » Que répondrais-tu à cela ?
A- Eee… tu veux dire une voiture bleue par exemple ?
C- Non, je parle de la couleur bleue, combien pèse-t-elle ?
A- Les couleurs n’ont pas de poids… On ne peut donc pas peser la couleur bleue ! Ça ne s’applique pas !
C- De même, Dieu n’a pas été créé, il est éternel, sans commencement alors la question « Qui a créé Dieu ? » ne s’applique pas !

Comme on le voit dans cet exemple, faire une erreur de catégories revient à tenter d’appliquer à une chose x une notion que x ne peut pas avoir.

L’argument cosmologique1Ceci est l’argument cosmologique Kalaam. Cet argument entrevoit l’univers sous l’angle d’une succession de causes à effets. Vu comme cela, on ne peut remonter infiniment dans le passé sans quoi on n’arriverait jamais à aujourd’hui. Il faut donc postuler une cause première transcendant l’univers. Cet argument est a différentié de l’argument cosmologique par contingence de Leibniz dont nous parlons au troisième point. affirme ceci :

  1. Tout ce qui a un commencement a une cause,
  2. L’univers a eu un commencement,
  3. L’univers a donc une cause.

Conclusion : L’univers a une cause et la cause de l’univers doit transcender l’espace, le temps, la matière et l’énergie. La cause de l’univers doit donc être omniprésente (elle a créé l’espace), immatérielle (elle a créé la matière), éternelle (elle a créé le temps), extrêmement puissante (elle a créé l’énergie). Ça commence à ressembler à Dieu. Appliquons maintenant le même raisonnement à Dieu :

  1. Tout ce qui n’a pas de commencement n’a pas de cause,
  2. Dieu n’a pas eu de commencement (il est éternel),
  3. Dieu n’a donc pas de cause. Autrement dit, Dieu n’a pas été créé. Il existe nécessairement.

Autrement dit, la question « Qui créa Dieu ? » présuppose subtilement quelque chose de faux comme cette autre question : as-tu arrêté de battre ta femme ? Si la personne répond « oui ! », ça veut dire qu’il la battait et ne la bat plus et si elle répond « non ! » ça veut dire qu’il la battait et la bat encore. Mais qu’arrive-t-il s’il ne l’a jamais battu ? Et bien la question devient mauvaise, car elle présume quelque chose de faux.

2 – L’explication d’une explication n’est pas toujours nécessaire

Afin d’expliquer un phénomène, nous n’avons pas toujours besoin d’avoir l’explication de l’explication2Sur ce point, voir  William Lane Craig. 2009. « Richard Dawkins on Arguments for God. » In God is Good, God is Great, edited by William Lane Craig and Chad Meister, 13-31. Downers Grove: InterVarsity Press, p. 27 ;  William Lane Craig. 2009. « Dawkins’ Delusion. » In Contending With Christianity’s Critics: Anwering New Atheists and Other Objectors, edited by William Lane Craig and Paul Copan. Nashville: B&H Publishing Group, p. 4. Nous pouvons, au contraire, laisser de côté l’explication de l’explication pour des recherches futures. Par exemple, si nous trouvions des engins électroniques très sophistiqués sur la planète Mars, nous serions amplement justifiés de déduire que des extra-terrestres ont créé ces machines. Même si quelqu’un arrivait et disait : si c’est des extra-terrestres qui ont créés ces machines alors qui a créés les extra-terrestres ? Même si nous répondions « Je ne le sais pas ! » cela n’enlèverait en rien le fait que « l’hypothèse extra-terrestre » est de loin la plus raisonnable (l’autre étant la chance ou le hasard).

En fait, s’il nous fallait toujours l’explication des explications que l’on offre, il nous faudrait dès le départ être omniscients. Et si l’on devait se plier au principe de l’explication de l’explication, cela nous confinerait à une régression infinie comme les questions interminables des petits enfants qui ne cessent jamais de demander : pourquoi? Pour éviter toute régression à l’infini, quelque chose doit exister nécessairement depuis toute éternité et nous avons deux choix : la matière ou Dieu. La matière a eu un commencement. Donc Dieu seulement existe par la nécessité de sa propre nature. Il n’a pas été créé. Il est le Créateur incréé.

3 – Une entité doit exister nécessairement (sans cause)

Comme Leibniz l’a démontré, nous n’avons pas le choix de postuler une réalité qui existe nécessairement pour expliquer toutes autres choses. Ce philosophe est célèbre pour son argument cosmologique par contingence. Voici en quoi il consiste brièvement3Ici, je m’inspire de William Lane Craig. En ligne. < http://www.reasonablefaith.org/argument-from-contingency > :

  1. Tout ce qui existe possède une raison de son existence soit dans une cause externe (par contingence) ou dans la nécessité de sa propre nature.
  2. Si l’univers possède une raison de son existence, elle réside en Dieu.
    1. Il est possible pour l’univers de ne pas exister. On peut facilement s’imaginer un tel « monde ».
    2. Si Dieu existe, il est éternel par définition.
  3. L’univers existe.
  4. Dieu est donc l’être existant par la nécessité de sa propre nature.

Certains philosophes même athées pensent que certaines choses existent nécessairement comme les chiffres, la loi de la logique comme la non-contradiction, etc. De l’autre côté, ce qui existe par contingence est tout ce qui a été produit ou causé d’une quelconque manière : les arbres, les humains, les ordinateurs, etc.

Mon point en référant à cet argument, c’est simplement de pointer vers le fait qu’il est largement reconnu philosophiquement que certaines entités existent sans aucune cause, car elles existent par la nécessité de leur propre nature. Il est impossible qu’elles n’existent pas. On ne peut donc pas indéfiniment poser la question « Si ‘z’ a créé ‘y’, alors qui a créé ‘z’? Ultimement, nous arrivons à une explication finale, un point final dans l’enchaînement des explications. Et il est fort raisonnable que ce point final soit Dieu.

4 – Si nous avons créé Dieu, qui nous a créé ?

Pour sa part, dans son livre Who Made God : Searching for a Theory of Everything, le physicien Edgar Andrews affirme que la question « Qui créa Dieu ? » peut être inversée4Edgar Harold Andrews. 2009. Who Made God?: Searching for a Theory of Everything. Carlisle: EP Books, p. 17-18. Il est fréquent que les personnes qui lancent cette question croient que ce sont les humains qui ont inventé Dieu. Cependant, dans cette optique, nous pourrions aussi poser la question « Qui/quoi créa les humains ? » Répondre que nous sommes le produit de l’évolution ne fait que repousser la question une étape plus loin : Qui/quoi créa l’évolution ? Dire que l’évolution « existe simplement » reviendrait à démontrer à l’athée qu’il ne peut pas reprocher aux théistes ce que sa propre vision du monde implique aussi, à savoir que quelque chose existe « simplement », c’est-à-dire nécessairement.

Cependant, dire que l’évolution existe simplement est problématique pour l’athée. La théorie des cordes démontre que les constantes et les quantités présentes dans les lois de la nature sont indépendantes de celles-ci. Par exemple, la loi gravitationnelle possède une constante (G) qui aurait pu être différente5William Lane Craig. 2010. On Guard: Defending Your Faith With Reason and Precision. Colorado Spings: David C. Cook, p,112.  Sur ce point, William Lane Craig dit notamment : « À ce jour, la candidate la plus promettante comme ‘théorie du tout’, la théorie des Cordes ou la théorie M, permet un ‘panorama cosmique’ d’environ 10500 possibilités différentes d’univers gouvernés par les lois de la nature présentes6William Lane Craig. 2009. « Richard Dawkins on Arguments for God. » In God is Good, God is Great, edited by William Lane Craig and Chad Meister, 13-31. Downers Grove: InterVarsity Press, p. 21. »

Références

Références
1 Ceci est l’argument cosmologique Kalaam. Cet argument entrevoit l’univers sous l’angle d’une succession de causes à effets. Vu comme cela, on ne peut remonter infiniment dans le passé sans quoi on n’arriverait jamais à aujourd’hui. Il faut donc postuler une cause première transcendant l’univers. Cet argument est a différentié de l’argument cosmologique par contingence de Leibniz dont nous parlons au troisième point.
2 Sur ce point, voir  William Lane Craig. 2009. « Richard Dawkins on Arguments for God. » In God is Good, God is Great, edited by William Lane Craig and Chad Meister, 13-31. Downers Grove: InterVarsity Press, p. 27 ;  William Lane Craig. 2009. « Dawkins’ Delusion. » In Contending With Christianity’s Critics: Anwering New Atheists and Other Objectors, edited by William Lane Craig and Paul Copan. Nashville: B&H Publishing Group, p. 4
3 Ici, je m’inspire de William Lane Craig. En ligne. < http://www.reasonablefaith.org/argument-from-contingency >
4 Edgar Harold Andrews. 2009. Who Made God?: Searching for a Theory of Everything. Carlisle: EP Books, p. 17-18
5 William Lane Craig. 2010. On Guard: Defending Your Faith With Reason and Precision. Colorado Spings: David C. Cook, p,112
6 William Lane Craig. 2009. « Richard Dawkins on Arguments for God. » In God is Good, God is Great, edited by William Lane Craig and Chad Meister, 13-31. Downers Grove: InterVarsity Press, p. 21

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