La logique du MBTI : comprendre la hiérarchie des fonctions

03/04/2016

S’informer vs comprendre

Dans le premier chapitre de son livre How to Read a Book, Mortimer J. Adler fait une distinction entre lire pour s’informer et lire pour comprendre. Selon cet auteur, si on saisit immédiatement une communication quelconque, écrite ou parlée, nous acquérons de l’information. Mais si nous sommes incapables de faire sens des données qu’on nous expose, nous avons alors la possibilité d’apprendre, de comprendre. S’informer est facile. C’est pratiquement la répétition de notre savoir actuel ou du moins de quelque chose qui n’en est pas très éloignée. Comprendre est difficile. Ça demande d’abord l’humilité de reconnaitre qu’on ne saisit pas, puis la disposition à faire des efforts plus intenses pour palier au manque qui nous rend perplexes. Lorsqu’on y arrive, on fait une expérience particulière : l’illumination de la pensée.

Chercher le principe de cohérence du MBTI

Je me souviens encore de mon « illumination » en lien avec le MBTI, du moment où j’ai passé du stade « information » à « compréhension ». Avant ce tournant, je connaissais assez bien ce que voulait dire chaque lettre et je pouvais donner des exemples lorsque venait le temps de l’expliquer. J’étais également dans la mesure d’expliquer la dynamique des types (ce que les préférences font une fois combinées). Mais une chose me rendait perplexe… comment déterminons-nous la hiérarchie des fonctions? Comment établir que pour un ESFP, par exemple, sa fonction dominante est Se et que pour un INTP, c’est Ti? C’était un mystère que je voulais percer pour m’assurer de la validité intellectuelle de la théorie…

Quand j’ai lu Gifts Differing d’Isabel Myers Brigg, j’ai eu une épiphanie. J’ai alors compris toute la logique derrière le MBTI et j’ai pu comprendre encore plus à quel point le tout a du sens. Dans cet article, je propose donc une illustration de la distinction d’Adler entre s’informer et comprendre au travers de l’explication de la cohérence profonde du MBTI.

La hiérarchie des fonctions expliquée

Le MBTI affirme que nous avons 4 préférences psychologiques. Chaque préférence répond à une question:

  1. RAPPORT AU MONDE : Introverti (I) ou extraverti (E) : quel monde préfères-tu pour renouveler tes énergies psychiques entre le monde intérieur (pensées, réflexions, idées, contemplation) et le monde extérieur (actions, gens, projets, sorties)?
  2. FONCTION COGNITIVE : Intuitif (N) ou sensitif (S) : quelle sorte de perception préfères-tu entre l’intuition (association d’idées abstraites) ou la sensation (les données concrètes offertes par les cinq sens)?
  3. FONCTION COGNITIVE : Feeler (F) ou Thinker (T) : quelle sorte de jugement1Dans le sens de raisonnement, de processus décisionnel. préfères-tu entre celui basé sur le sentiment (les valeurs, les gens, les émotions) ou la pensée (logique, raisonnement impersonnel, l’analyse détachée)?
  4. RAPPORT AU MONDE : Percevoir (P) ou juger (J)2Juger non dans le sens de critiquer ou condamner les gens, mais dans le sens de décider, raisonner, régler/traiter un dossier : quelle sorte de fonction cognitive dans le monde extérieur préfères-tu entre la perception et le jugement?

Pour trouver la hiérarchie des fonctions, il faut maintenant commencer par répondre à la question #4. Prenons le INTP en exemple.

  1. Quelle fonction cognitive le INTP préfère-t-il dans le monde extérieur (question #4)? C’est la perception.
  2. Quelle sorte de perception préfère-t-il (question #2)? L’intuition. Il s’ensuit de 1) et 2) que le INTP utilise son intuition dans le monde extérieur, donc on dirait qu’il est Ne (intuition extravertie).
  3. Mais le monde extérieur est-il son monde préféré (question #1)? Non, il est introverti, donc c’est le monde intérieur son monde préféré.

Conclusion : Donc dans sa hiérarchie des fonctions, l’intuition extravertie (Ne) du INTP viendra en deuxième et, par déduction, si le monde intérieur est son monde préféré et qu’il utilise la perception intuitive dans son monde extérieur, cela veut dire qu’il utilise la pensée (T) comme jugement dans le monde intérieur (Ti)3La perception et le jugement étant les deux seules fonctions cognitives selon cet indicateur. Je trouve intéressant que ces deux fonctions cognitives soient en quelque sorte similaires aux notions, en programmation, « d’entrées » et de « sorties »..

Bénéfices liés à la compréhension de la hiérarchie des fonctions

Voici trois bénéfices attachés à une compréhension plus profonde du MBTI.

1. Comprendre le changement en nous-même et chez les autres

On change avec le temps! Je trouve personnellement que la théorie du MBTI a un grand pouvoir explicatif concernant le développement de chaque personnalité en lien avec les différentes étapes de la vie. Jusqu’à 18 ans, nous développons notre fonction cognitive #1, ensuite la 2e s’affermit de 18-25 ans, la 3e de 25-35 ans et enfin la 4e à partir de 35 ans et plus4Je pense que la crise de la quarantaine (qui n’est qu’une crise parmi d’autres) peut très bien être expliquée, en partie, par la théorie MBTI. À cet âge, nous parvenons au développement de notre fonction cognitive aspirationnelle de sorte qu’on se pose des questions concernant notre atteinte (ou non-atteinte) de l’équilibre auquel on aspirait dans notre devenir. Le cycle 1 à 4 a fait un premier tour. Je crois qu’à partir de là, c’est une « spirale » qui commence, c’est-à-dire l’approfondissement de nos fonctions 1-4 pour le reste de notre vie.. Voici un tableau qui résume ces différentes étapes de croissance pour chaque type de personnalité5Le tableau qui suit vient de Marci Segal. 2001. Creativity and Personality Type: Tools for Understanding and Inspiring the Many Voices of Creativity. Hunstington Beach: Telos Publications, p.75

Tout au long de notre vie, nous fonctionnons principalement avec nos fonctions cognitives #1 et #2 (du moins, ce sont les plus apparentes). En situation de stress, assez tôt dans la vie, nous avons recours à #3 (rôle de soulagement quand la #1 et la #2 sont insuffisantes). Dans une situation où on est à bout, la #4 se manifestera, mais maladroitement. Avec le temps, pour nous équilibrer, nous aspirons à mieux développer les fonctions cognitives #3 et #4.

2. Se développer naturellement plus vite

Deuxièmement, connaître la hiérarchie des fonctions est un outil extraordinaire pour la croissance personnelle. Le MBTI nous prête des mots pour exprimer comment nous voulons nous équilibrer et cela aide à faire passer des désirs inconscients au stade conscient et ainsi à accélérer notre développement personnel. Cela est vrai pour les fonctions cognitives de soulagement et l’aspirationnelle (#3 et #4) et pourquoi pas plus ?…

Saviez-vous que de façon inconsciente, les fonctions cognitives dans la zone grise du tableau demeureraient toute la vie des fonctions cognitives opposées et pratiquement inutilisées par chaque type? Déjà, développer #3 et #4 est très difficile! Développer les fonctions cognitives #5-8 est sûrement possible si l’individu en prend conscience et fait des efforts conscients pour se développer dans ce sens et faire appel à ces fonctions dans les bons moments.

De plus, saisir que le jugement et la perception se font dans le monde intérieur et extérieur et être conscient de ses propres préférences à ce niveau aide à se développer et à tendre vers l’équilibre plus naturellement et plus vite si nous y mettons des efforts conscients. Par exemple, un ENFJ (#1 Fe et #2 Ni) pourra tenter intentionnellement de développer son Se (tourner son attention vers le moment présent, écouter le monde extérieur concret, considérer principalement ce qu’il y a devant soi) pour pallier à son Ni (qui l’apporte toujours mentalement ailleurs, dans sa vision de comment pourraient être mieux les choses pour lui ou les autres).

3. Nouvel angle sur la compatibilité/incompatibilité

Un troisième bénéfice lié à la compréhension de la hiérarchie des fonctions concerne la question des compatibilités/incompatibilités : si un INTP et un ESFJ n’ont rien en commun au premier abord, sous l’angle de la hiérarchie des fonctions et du développement, ils se complètent à merveille! Les forces du INTP (Ti et Ne) sont celles que le ESFJ aspire à développer et vice-versa (le INTP aspire à développer le Fe et Si du ESFJ). Au contraire, le fait que deux types se ressemblent horizontalement (dynamique des types) n’est pas nécessairement le cas quand on considère la hiérarchie des fonctions. Par exemple, le INTP et INTJ ont 3 lettres sur 4 en commun, mais si vous allez voir le tableau, ils utilisent leurs fonctions cognitives totalement dans des mondes différents (Ti vs Te, Ne vs Ni, etc). La hiérarchie des fonctions aide donc à éclairer encore plus les possibles compatibilités et à comprendre les différences naturelles entre différents types de personnalité.

Conclusion

Pour revenir à Adler, celui-ci affirme qu’ « être informé c’est savoir simplement un état de fait. Être illuminé c’est comprendre, en plus, l’ensemble du phénomène, pourquoi c’est comme ça, les connections avec d’autres faits, en quel sens c’est pareil et en quel sens c’est différent, et ainsi de suite. Cette distinction (information et compréhension) se traduit en termes de capacité à se rappeler de quelque chose et la capacité d’expliquer quelque chose » (p.11).  Une fois que nous comprenons la logique derrière le MBTI, nous pouvons rapidement déceler la hiérarchie de chaque type sans avoir recours au tableau ci-haut. Comprendre rend facile l’explication d’une chose et sa rétention comme le dit Adler.

Cette distinction « information/compréhension » que fait Adler me rappelle que je ne dois jamais devenir paresseux dans mon apprentissage et me contenter d’accumuler des données sans me laisser mettre au défi par les choses qui sont difficiles à saisir pour moi. Cela est d’autant plus vrai que la culture de l’information qu’est la nôtre nous façonne de plus en plus à devenir des collectionneurs d’informations facilement acquises plutôt que de travailler dur en vue de la compréhension des choses qui nous dépassent.

Références

Références
1 Dans le sens de raisonnement, de processus décisionnel.
2 Juger non dans le sens de critiquer ou condamner les gens, mais dans le sens de décider, raisonner, régler/traiter un dossier
3 La perception et le jugement étant les deux seules fonctions cognitives selon cet indicateur. Je trouve intéressant que ces deux fonctions cognitives soient en quelque sorte similaires aux notions, en programmation, « d’entrées » et de « sorties ».
4 Je pense que la crise de la quarantaine (qui n’est qu’une crise parmi d’autres) peut très bien être expliquée, en partie, par la théorie MBTI. À cet âge, nous parvenons au développement de notre fonction cognitive aspirationnelle de sorte qu’on se pose des questions concernant notre atteinte (ou non-atteinte) de l’équilibre auquel on aspirait dans notre devenir. Le cycle 1 à 4 a fait un premier tour. Je crois qu’à partir de là, c’est une « spirale » qui commence, c’est-à-dire l’approfondissement de nos fonctions 1-4 pour le reste de notre vie.
5 Le tableau qui suit vient de Marci Segal. 2001. Creativity and Personality Type: Tools for Understanding and Inspiring the Many Voices of Creativity. Hunstington Beach: Telos Publications, p.75

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiéeRequired fields are marked *

3 comments on “La logique du MBTI : comprendre la hiérarchie des fonctions

  1. Julien Mar 13, 2016

    Très bon article. Cette article ne traite pas seulement de MBTI, il y a des références à socionics comme le concept de dualité.

  2. Margareta Avr 21, 2018

    Bonjour, je m’appelle Margareta et j’ai fait le test. Je suis ESFJ et mon époux et ISTP. J’avoue qu’on à de la misère à s’entendre. Quel conseil me donnerais-tu pour savoir comment réagir avec un personne de type introverti. Merci.

    • Salut Margareta,

      Je peux te partager mon grain de sel sur la communication en lien avec le MBTI, mais je pense qu’améliorer la communication dans un couple demande beaucoup d’efforts de part d’autre et que l’aide d’un thérapeute conjugale serait cruciale et ferait vraiment la différence. Je recommande particulièrement de trouver un conseiller conjugal avec l’approche Imago. Cette approche vise justement à améliorer la communication dans le couple. Elle est très pratique et offre des outils qui transformeront votre façon de dialoguer. Si tu veux lire plus sur cette approche, voici un lien : https://www.imago-suisse.ch/fr/lapproche-imago

      Pour revenir à ta question, comment communiquer avec un ISTP ? Premièrement, laisse-lui du temps pour réfléchir à ce que tu lui as dit. Le ISTP aura besoin de prendre un peu de recul pour penser à ce qui lui a été dit pour traiter l’information sans pression, revenir et dire vraiment ce qu’il en pense. Deuxièmement, les ISTP s’attendent à ce que tu lui dises clairement les choses : ne pas essayer de faire passer un message subtil, de le faire lire entre les lignes. Parles-lui clairement. Ne suppose pas qu’il aurait dû deviner par lui-même certains de tes messages.

      Pour t’encourager, si tu es vraiment ESFJ et lui ISTP, le fait que tu sois expressive et que tu démontres tes sentiments charment les ISTP. C’est quelque chose qu’il aspire à développer lui-même, étant par nature très rationnel. Les ISTP, comme les INTP, ont besoin des personnes qui extravertissent leur sentiment pour entrer en contact avec leur propre sentiment et pour apprendre à en parler.

      J’espère que ça t’aide!

Théophile © 2015