Développement intellectuel (les raisonnements)

02/24/2012

Avez-vous déjà remarqué à quel point Jésus pose souvent des questions dans les évangiles? Dans l’évangile de Luc à lui seul, Jésus pose 110 questions à ses interlocuteurs. Jésus n’avait que douze ans lorsqu’il posa ces deux questions à ses parents qui revinrent le chercher à Jérusalem après avoir réalisé qu’il n’était pas avec eux dans leur voyage de retour à Nazareth :

Au bout de trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les questionnant. Tous ceux qui l’entendaient étaient surpris de son intelligence et de ses réponses. Quand ses parents le virent, ils furent saisis d’étonnement. Sa mère lui dit : Enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Voici que ton père et moi nous te cherchons avec angoisse. Il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père ? Mais ils ne comprirent pas la parole qu’il leur disait. Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth et il leur était soumis. Sa mère conservait toutes ces choses dans son cœur (Luc 2,46-51).

Dans l’évangile de Jean, la première fois que Jésus parle, c’est aussi pour poser une question. Deux disciples de Jean-Baptiste l’entendirent dire que Jésus était l’Agneau de Dieu. Saisi de curiosité, ils se mirent à suivre Jésus incognito pour voir où il allait. À un moment donné, Jésus se retourne et les voit, puis demande : “Que cherchez-vous?” (Jean 1,39)1Il est intéressant de remarquer que la première question de Jésus en Luc ressemble beaucoup à la première question de Jésus en Jean. En Luc, Jésus demande à ses parents “Pourquoi me cherchiez-vous?” alors qu’en Jean, il demande aux deux disciples de Jean-Baptiste “Que cherchez-vous?” Dans les deux cas, cela me semble une invitation à réfléchir aux motivations profondes qui nous pousse à chercher ce que nous cherchons dans la vie. Que ce soit la sécurité financière, le dépassement personnel et professionnel ou Jésus lui-même. Pourquoi cherchons-nous ce que nous cherchons? Quelles sont mes aspirations les plus profondes qui me fait bouger, m’inquiéter, espérer?

Pourquoi Jésus pose-t-il autant de questions?

Faire réfléchir, raisonner, penser… Cela me semble le motif principal derrière les nombreuses questions que pose Jésus. Jésus ne pose pas autant de question pour obtenir des informations qu’il ne possède pas, mais plutôt pour engager le coeur et l’intellect des gens, les amener à sonder eux-mêmes leur intentions, leurs états d’esprit. En tant que rabbin, cela est sans doute aussi parfois pour développer la capacité de ses disciples à faire de bons raisonnements, de bonnes inductions et déductions. Sans une bonne capacité de raisonner, nous sommes grandement limité dans notre compréhension de ce que Jésus voulait communiquer. En fait, il est parfois exaspéré à cause de la faible capacité des autres à bien raisonner et ainsi saisir ce qu’il veut communiquer. C’est le cas où après avoir miraculeusement multiplié les pains, il avertit les disciples contre le ‘levain des pharisiens’ et ceux-ci crurent qu’il leur reprochait d’avoir oublié d’apporter du pain :
Jésus s’en rendit compte et leur dit : Pourquoi raisonnez-vous parce que vous n’avez pas de pain ? Vous ne saisissez et ne comprenez pas encore ? Avez-vous le cœur endurci ? Vous avez des yeux et vous ne voyez pas, vous avez des oreilles et vous n’entendez pas ? Ne vous rappelez-vous pas, lorsque j’ai rompu les cinq pains pour les cinq mille hommes, combien de paniers pleins de morceaux vous avez emportés ? Douze, lui répondirent-ils. Et quand j’ai rompu les sept pains pour les quatre mille hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées ? Sept, dirent-ils. Et il leur dit : Ne comprenez-vous pas encore (Marc 8,17-21) ?

Dans aucun autre passage des Évangiles, Jésus m’apparaît aussi désespéré. Pourquoi valoriser la vie intellectuelle ainsi ? Greg Koukl répond bien à cette question :

Imaginez un monde dans lequel vous ne pourriez pas distinguer l’erreur de la vérité. Vous ne seriez pas capable de distinguer ce qui est empoisonné et comestible, vos ami(e)s de vos ennemi(e)s. Vous ne pourriez pas savoir ce qui est bon et mauvais, bien et mal, ce qui est bon pour votre santé et ce qui nuisible, ce qui est sécuritaire et ce qui est dangereux. Vous ne survivriez pas longtemps. Qu’est-ce qui nous protège des dangers d’un tel monde? Si vous êtes chrétien(ne)s, vous êtes peut-être tentés de dire : “La Parole de Dieu nous protège” (Tactics, p. 31-32).

Koukl poursuit en concédons que, pour les chrétiens, il est vrai que la Parole de Dieu est vérité et qu’elle nous protège de chemins douteux. Cependant, c’est par la raison que nous pouvons saisir et interpréter la Bible. Sans cette faculté intellectuelle qui nous vient de Dieu (par grâce), la Bible serait inutile. “La Bible prime en frais d’autorité, mais la raison est première en frais d’ordre de connaissance.” (Tactics, p. 32) Lorsque deux personnes lisent le même passage dans la Bible et parviennent à des interprétations différentes, celles-ci donneront des raisons pour expliquer pourquoi leur point de vue est meilleur que celui de l’autre. Ainsi, le raisonnement est une faculté cruciale que Dieu nous a donnée pour reconnaître la vérité et nous garder de l’erreur. C’est pourquoi Jésus lui-même n’avait pas peur d’inciter ses interlocuteurs à utiliser leur jugement pour reconnaître ce qui est vrai, juste et bien :
Il disait encore aux foules : “Quand vous voyez un nuage se lever à l’occident, vous dites aussitôt : La pluie vient. Et cela arrive. Et quand vous voyez souffler le vent du midi, vous dites : Il fera chaud. Et cela arrive. Hypocrites, vous savez distinguer l’aspect de la terre et du ciel. Comment ne distinguez-vous pas ce temps-ci. Et pourquoi ne discernez-vous pas de vous-mêmes ce qui est juste (Luc 12,54-57) ?
De même, l’apôtre Paul, dans sa lettre aux Corinthiens, invite les chrétiens à eux-mêmes évaluer par leur raison de ce qu’il leur écrivait sur la question des viandes sacrifiées aux idoles : “Je parle comme à des hommes intelligents. Jugez vous-mêmes de ce que je dis” (1 Corinthiens 10,15). Et par là suite, comme Jésus, il lance une série de 10 questions pour faire réfléchir les Corinthiens sur ce thème (1 Co 10,16.18.19.22.29-30).
Enfin, voici quelques avenus pratiques qui m’aident personnellement beaucoup dans l’approfondissement intellectuel de ma foi :
– Se poser des questions et prendre le temps de réfléchir. Si nous voulons un système cohérent de croyances, il nous faut écouter nos propres questions et les traiter, chercher des réponses satisfaisantes. On peut, par là suite, comparer nos conclusions soit à la lumière de commentaires écrits par des théologiens. Voici deux liens donnant accès un à commentaire gratuitement sur internet :
– Dialoguer et débattre amicalement avec d’autres. Cela nous force à développer notre capacité à raisonner. Le dialogue critique est une bonne chose lorsqu’il est abordé avec une attitude d’humilité et d’ouverture d’esprit. Il nous aide à clarifier notre propre pensée, voire la réformer et, surtout, éviter le fondamentalisme religieux. Certains ont peur que le débat divise les gens. Cependant, sans lui, on ne peut avoir de réelle unité, mais seulement une unité superficielle.
Écouter des débats sur Youtube ou podcast.

Références

Références
1 Il est intéressant de remarquer que la première question de Jésus en Luc ressemble beaucoup à la première question de Jésus en Jean. En Luc, Jésus demande à ses parents “Pourquoi me cherchiez-vous?” alors qu’en Jean, il demande aux deux disciples de Jean-Baptiste “Que cherchez-vous?” Dans les deux cas, cela me semble une invitation à réfléchir aux motivations profondes qui nous pousse à chercher ce que nous cherchons dans la vie. Que ce soit la sécurité financière, le dépassement personnel et professionnel ou Jésus lui-même. Pourquoi cherchons-nous ce que nous cherchons? Quelles sont mes aspirations les plus profondes qui me fait bouger, m’inquiéter, espérer?

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One comment on “Développement intellectuel (les raisonnements)

  1. Je trouve ta réflexion bien pertinente.
    Il est facile de se satisfaire soi-même en se créant des explications de toutes sortes.
    Seulement, élaborer, creuser des idées avec une autre personne permet de valider celles-ci, et on évite ainsi de se perdre dans de faux raisonnements.
    Je suis bien d'accord avec toi, du fait que Jésus tient à notre développement personnel de pensées.
    Notre nature cherche à comprendre le fonctionnement des choses,que ça soit par explication scientifique ou autre. Se poser des questions sur la Bible c'est s'équiper pour un crédible discours auprès du monde qui nous environne.
    Merci pour cette réflexion, super édifiant !

Théophile © 2015