L’assemblée divine : une vision israélite du monde spirituel

06/06/2018

The Unseen Realm1Michael S. Heiser, The Unseen Realm: Recovering the Supernatural Worldview of the Bible, Bellingham WA, Lexham, 2015, 413 p. est une oeuvre perspicace de théologie biblique sur le thème des êtres célestes avec un accent particulier sur le concept d’assemblée divine (rassemblement des êtres célestes visant l’administration des affaires humaines). Il s’agit d’une description de la vision du monde spirituel des Israélites. Michael S. Heiser est un spécialiste de l’Ancien Testament ayant fait sa thèse doctorale sur le Psaume 82, un texte mettant en scène un jugement de Dieu dans l’assemblée divine. Ce livre, qui est le fruit d’une quinzaine d’années d’études et de réflexions sur le sujet, a des ramifications importantes entre autres sur la conception juive antique du monothéisme, sur la christologie et la démonologie.

Cette monographie est composée de 42 chapitres divisés en 8 parties. Cet article résume les deux premières parties du livre de Heiser. Il s’agit d’un survol d’une partie du livre et non d’une présentation exhaustive de ses arguments. Cet article ne consiste pas non plus en une critique de la thèse de Heiser2La thèse de Heiser m’apparaît être une bonne description de la vision du monde israélite, quoique j’aurais certains bémols à offrir ici et là., mais, comme j’ai mentionné, d’un résumé.

Prendre conscience de notre filtre herméneutique

La première partie du livre de Heiser (ch. 1-2) est la plus petite totalisant seulement 10 pages. Dans cette section introductive, l’auteur raconte l’émergence de son intérêt pour le thème de l’assemblée divine. La lecture du Ps 82 en hébreu a eu pour effet de briser un filtre herméneutique l’empêchant de voir certaines affirmations des textes bibliques allant à l’encontre de sa propre vision du monde. Heiser expose trois types d’obstacles à une exégèse adéquate (p. 16-20) : la confusion de l’histoire chrétienne et des credos avec le texte biblique, la désensibilisation de la culture moderne concernant le monde invisible, le présupposé que les éléments étranges dans la Bible n’ont pas réellement d’importance théologique. Plutôt que de filtrer et d’évincer les passages bibliques étranges, à teneur spirituelle et ne concordant pas avec notre compréhension des doctrines héritées, nous devrions reconnaître ces parties et chercher à comprendre comment elles s’insèrent dans l’ensemble du message biblique et comment elles forment ainsi une mosaïque.

Les “fils de Dieu” dans la Bible hébraïque

La deuxième partie (ch. 3-9) s’intitule « les maisons de Dieu » (The Households of God). Dans la Bible hébraïque, Dieu est présenté comme ayant une famille divine et une autre humaine. Un texte comme Job 38,4-7 nous introduit à la famille céleste de Yhwh (Yhwh, mot hébreu qui veut dire “je suis”, est le nom du Dieu de la Bible). Dieu demande à Job :

Où étais-tu quand je fondais la terre ? (…)
Alors qu’ensemble les étoiles du matin criaient de joie
Et que tous les fils de Dieu lançaient des acclamations ?

La poésie hébraïque fonctionne essentiellement par le dédoublement d’une même idée3« The essential feature of the poetry is the repetition of meaning in parallel form. (…) By the same token, poetic effect may be attained by the mere listing of parallel items . » (Cyrus H. Gordon, Ugaritic Textbook: Grammar, Texts in Transliteration, Cuneiform Selections, Glossary, Indices (Analecta Orientalia 38), Rome, Pontificum Institutum Bilicum, 1965, p. 131.. Ici, les deux dernières lignes expriment de façons différentes une même affirmation : alors que Dieu créait le monde, des êtres spirituels contemplaient le tout en exultant. Les fils de Dieu sont comparés à des étoiles que l’on voit à l’horizon lorsque le soleil se lève. Au Proche-Orient ancien, le fait que les étoiles bougent était interprété comme un signe de vie. Celles-ci étaient considérées comme le reflet de la gloire des êtres célestes qui habitent un monde inaccessible aux humains. C’est le monde des dieux (d’autres évidences confirmeront plus loin que les fils de Dieu étaient perçus comme étant divins). On les décrit comme des étoiles du matin, car le matin représente un nouveau jour, une nouvelle vie. Cela concorde avec ce qui est dit en Job 38,4-7 : les fils de Dieu assistèrent à la création du monde. Dieu les appelle ses fils, car il les a créés aussi (selon une logique similaire à Ac 17,28). De plus, le terme « fils » est un terme lié à la famille. Ainsi, la famille divine de Dieu précède sa famille humaine. D’après Job 38,4-7, elle était déjà présente au commencement relaté par Genèse 1. Il ne s’agit pas simplement d’anges qui sont des êtres célestes ayant la fonction de transmettre un message. Comme la maison de tout roi au POA était composée d’une structure administrative à différents niveaux, les anciens concevaient la famille divine comme étant formée d’un roi, d’une élite d’administrateurs rapprochés, puis d’un personnel ayant tout de même un niveau d’autorité important.

Ps 89,6 démontre aussi que l’expression plurielle « fils de Dieu » ne fait pas référence à des humains, mais à des êtres célestes :

Car qui, dans le ciel, peut se comparer à l’Éternel ?
Qui est semblable à toi parmi les fils de Dieu4Je cite la version LS. En accord avec la NBS, LS21 et JER, elle utilise l’expression « parmi les fils de Dieu » contrairement à plusieurs autres traductions : PDV (parmi les dieux), BFC (dans le monde des dieux), COL (parmi les fils des dieux), TOB (parmi les dieux), SEM (parmi les dieux). ?

Encore une fois, le parallélisme entre les deux phrases demande à ce que “les fils de Dieu” soient situés “dans le ciel” et non sur la terre comme s’il s’agissait de rois ou du peuple d’Israël. Manquer ce point, c’est manquer le suspens de la Bible hébraïque où le Dieu des israélites cherche à démontrer sa suprématie sur les autres dieux. Si ces autres “dieux” ne sont rien en réalité, il n’y a pas réellement de combat5Dans son analyse de la thèse de Bousset concernant l’origine de la dévotion à Jésus, Larry W. Hurtado (Le Seigneur Jésus Christ. La dévotion envers Jésus aux premiers temps du Christianisme, Paris, Cerf (Lectio Divina), 2009 [2003], p. 35-36.) touche brièvement à la question de la filiation divine. Il réfute l’idée de Bousset que Paul aurait instrumentalisé la culture gréco-romaine pour contribuer à l’émergence de la dévotion à Jésus. Il est vrai que cette culture, si diverse soit-elle, connaissait bien la notion de “fils des dieux”. Cela faisait référence aux êtres divins dignes de culte. Cependant, les références que Paul fait alors qu’il emploie ce titre christologique proviennent de l’Ancien Testament et non de la culture gréco-romaine. De plus, dans “ces [traditions bibliques et juives], la filiation ne connote pas nécessairement la divinité. Dans ces traditions, le langage de la filiation divine était appliquée au roi divinement choisi, à l’individu pieux, juste et à Israël pris collectivement, en particulier à l’époque du Second Temple ; dans ce cas, la filiation divine connote une faveur spéciale de Dieu et une relation particulière avec lui” (le premier soulignement est de moi et le deuxième de Hurtado)..

Des êtres célestes corrompus

Dans le livre de Job, on voit que ces êtres célestes sont imparfaits. En Jb 4, Eliphaz remet en question la croyance de Job concernant le fait qu’il n’a rien fait pour mériter de souffrir ainsi (Jb 4,6) ce que le lecteur sait être vrai selon Jb 1,8. Aux v. 17-19, Éliphaz affirme quelque chose d’important :

17 Un mortel serait-il plus juste que Dieu ?
Un homme serait-il plus pur que celui qui le fait ?
18 Si Dieu ne fait pas confiance à ses serviteurs,
S’il découvre des erreurs chez ses anges (ou : messagers),
19 combien plus chez ceux qui demeurent dans des maisons d’argile,
Eux dont les fondations sont dans la poussière et qu’on écrase plus vite qu’une mite !

Le v. 18 affirme que les anges sont imparfaits et qu’ils ne sont pas toujours dignes de confiance. Le v. 19 fait une comparaison de supériorité entre les êtres du v. 18 et les humains faits d’argiles et sujets à la mort. Si même les anges sont imparfaits, à quel point le sont les humains qui leur sont inférieurs ? Cela confirme que par « serviteurs » et « messagers », on parle bel et bien d’êtres célestes6BFC, COL, TOB traduisent « messagers » par « anges »..

En Jb 15,14-16, Éliphaz réaffirme l’imperfection des êtres célestes :

14 Qu’est-ce qu’un homme, pour qu’il soit pur ?
Et celui qui est né de la femme, pour qu’il soit juste ?
15 Si Dieu n’a pas confiance en ses saints,
Si le ciel n’est pas pur à ses yeux,
16 combien moins l’être abominable et corrompu,
L’homme qui boit l’injustice comme de l’eau !

Encore une fois, le v. 14 qui parle de l’imperfection des êtres célestes est présenté dans une comparaison de supériorité vis-à-vis les humains. Ici, on parle de ces êtres célestes comme étant « des saints » et comme « le ciel »7Cela a des répercutions sur l’interprétation des passages eschatologiques qui parlent “d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux”. En utilisant cette expression, les auteurs bibliques ne font pas référence au renouveau de la couche d’ozone, mais du monde spirituel qui influence l’humanité.. Les membres de l’assemblée divine sont donc moralement corruptibles, ils ne sont pas parfaits. Cela démontre qu’ils sont dotés d’une volonté libre comme les humains. La volonté libre est un attribut essentiel nous permettant de représenter Dieu et donc d’être son image. Ainsi, être dans la présence de Dieu n’implique pas nécessairement que des êtres libres ne dévieront jamais de la volonté de Dieu ou qu’ils ne feront pas usage de leur volonté propre. Les êtres célestes sont porteurs de l’image de Dieu comme les humains8Le satan et non Satan : Jb 1,6 décrit une assemblée divine mettant en scène le satan. Il n’est pas clair quel rang occupe le satan parmi les fils de Dieu, mais son nom et la description de son activité fait en sorte qu’il est plus probable qu’il avait un statut assez bas. L’expression « le satan » signifie « adversaire », « prosécuteur », « challenger » (p. 57). Sa tâche implique investiguer ce qui se passe sur la terre. Il est comme les yeux et les oreilles de Yhwh sur le terrain, rapportant ce qu’il a vu et entendu. Il n’est pas un vilain. Il fait ce qu’il est supposé de faire. Dans l’Ancien Testament, satan n’est pratiquement jamais présenté comme un nom personnel : la grammaire hébraïque n’utilise pas le déterminant devant les noms, alors que c’est toujours le cas dans le l’AT..

Une assemblée divine administrant les nations

Le Ps 82 est un autre passage crucial nous permettant de mieux saisir la vision du monde spirituel chez les Israélites :

1 Dieu (elohim) se tient dans l’assemblée divine
Il juge au milieu des dieux (elohim)9Le terme elohim peut être traduit au singulier ou au pluriel dépendamment de son contexte littéraire. En anglais, nous trouvons l’équivalent de cela dans le mot sheep qui demeure le même au singulier ou au pluriel. C’est l’enchaînement de mots qui détermine le nombre : the sheep are going on the field implique nécessairement un pluriel à cause du verbe. De même, the sheep is eating implique le singulier. C’est la même chose avec le mot elohim dans la Bible..
2 Jusques à quand jugerez-vous avec injustice,
Et aurez-vous égard à la personne des méchants ?
3 Faites droit au faible et à l’orphelin,
Rendez justice au malheureux et à l’indigent,
4 Libérez le faible et le pauvre,
Arrachez-les à la main des méchants.
5 Ils n’ont ni connaissance ni intelligence,
Ils marchent dans les ténèbres
Tous les fondements de la terre chancellent.
6 J’avais dit : Vous êtes des dieux,
Vous êtes tous des fils du Très-Haut.
7 Cependant vous mourrez comme les humains,
Vous tomberez comme un prince quelconque.
8 Lève-toi, ô Dieu, juge la terre !
Car tu as un héritage dans toutes les nations.

Au v. 6, nous voyons une équivalence entre être « fils du Très-Haut » et être « des dieux ». Pour un auteur israélite, le Très-Haut est Yhwh10En Gn 14,18-22, le elohim Très-Haut est celui qui a créé le ciel et la terre (2 mentions, une par Melchizédek et l’autre par Abraham) et qui a livré les ennemis d’Abraham entre ses mains.  En Nb 24,16, le Très-Haut est mis en parallèle avec Shaddaï. Au Ps 7,18, Yhwh est présenté comme étant le Très-Haut. Même chose dans le Ps 18,14 où il administre des châtiments. Dans le Ps 47,2, le Très-Haut est Yhwh qui est roi sur toute la terre et soumet les peuples aux Israélites.. Ce texte démontre que les fils de Dieu sont des êtres divins sous l’autorité du Dieu d’Israël (p. 27). Les v. 2-4 présentent Dieu comme jugeant les autres dieux pour corruption11Je remarque que l’expression « jusqu’à quand » semble communiquer que Dieu leur a laissé du temps pour arrêter leur administration corrompue.. Le v. 7 est la déclaration d’une sentence de peine de mort sur ces êtres célestes12Cela constitue une donnée importante pour le conditionalisme qui affirme la purification entière du cosmos : ici, les êtres célestes corrompus, ce qu’on appellera plus tard Satan et les démons, sont destinés à mourir comme des hommes.. Enfin, le v. 8 laisse paraître que l’administration des dieux s’opérait sur les autres nations, car le jugement de Dieu contre les autres dieux est suivi de la mention que Dieu possède un héritage parmi toutes les nations. Ces données rendent impossible une lecture trinitaire, car les dieux sont accusés de corruption. Il est aussi incohérent d’y voir une référence à des humains, car il est dit que ces dieux mourront comme des humains ce qui serait circulaire s’ils étaient déjà humains.

Le “nous” en Genèse

Certaines phrases de la Genèse deviennent beaucoup plus claires avec la place que joue l’assemblée divine dans la mentalité hébraïque (ch. 9). Par exemple, considérons Gn 1,26. Puisque Job dépeint les fils de Dieu comme étant témoins des actes créationnels de Dieu, il s’avère possible de relire Gn 1,26 avec l’assemblée divine en arrière-plan (p. 56) :

Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme.

Ici, Heiser affirme que l’utilisation du pluriel fait référence à l’assemblée divine. C’est aussi comme cela que Philon d’Alexandrie comprenait ce texte : « It is on this account that Moses says, at the creation of man alone that God said: ‘Let us make man,’ which expression shows an assumption of other beings to himself as assistants13« He [Philo] insists that God acted alone in the creation of all things except humanity, and holds that the plural in Gen. 1:26 involves subordinate co-workers of God so that, while good human actions may be attributed to God as their source, sins may not. » (Richard Bauckham, Jesus and the God of Israel: God Crucified and Other Studies on the New Testament’s Christology of Divine Identity, Grand Rapids MI, Eerdmans, 2008, p. 10 n. 12). La citation de Philon avec plus de contexte : « It is on this account that Moses says, at the creation of man alone that God said : ‘Let us make man,’ which expression shows an assumption of other beings to himself as assistants, in order that God, the governor of all things, might have all the blameless intentions and actions of man, when he does right attributed to him, and that his other assistants might bear the imputation of his contrary actions. » (On the Creation 24,75 ; Philo of Alexandria, The Works of Philo: New Updated Edition, Complete and Unabridged in One Volume, C. D. Yonge (trad.), Peabody, Hendrickson, 1993, p. 11). L’auteur gnostique du livre The Hypostasis of the Archons comprenait aussi Gn 1,26 de cette façon, mais l’appliquait au démiurge et ses méchants acolytes (Matthew W. Bates, The Birth of the Trinity: Jesus, God and Spirit in New Testament & Early Christian Interpretations of the New Testament, Oxford, Oxford University Press, 2015, p. 179).… » Ce texte laisse paraître que les fils de Dieu, les êtres célestes sont aussi créés à l’image de Dieu. Être à l’image de Dieu signifie être appelé à être le représentant de Dieu. La volonté libre est un attribut essentiel nous permettant de représenter Dieu et donc d’être son image. Ainsi, les êtres célestes, comme les humains, sont susceptibles de faire des choix allant à l’encontre de Yhwh.

C’est ce qu’on voit en Ge 3,5 où le serpent affirme : « mais Dieu (elohim) sait que le jour où les deux vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez les deux comme des dieux (elohim) possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais14La BFC dit : « vous serez comme lui [Dieu], capables de savoir ce qui est bon ou mauvais. » Sinon, la PDV, NBS, COL et TOB traduisent tous par « vous serez comme des dieux. » La Septante a aussi “vous serez comme des dieux…”, ἔσεσθε ὡς θεοὶ.. » Ce verset est comme le Ps 82,1 où le mot elohim est utilisé deux fois. La première fois doit être traduite par Dieu, à cause du verbe « savoir » qui est au singulier. La deuxième mention pourrait faire référence à Dieu ou aux dieux. Cependant, le contexte soutient l’interprétation plurielle. En Ge 3,22, on peut lire : « Le Seigneur Dieu dit : « Voici que l’homme est devenu comme l’un de nous : il connaît ce qui est bien ou mal. » L’expression « l’un de nous » indique que Dieu s’adresse à l’assemblée divine. Connaître le bien et le mal ne veut pas dire être capable de bien et de mal. En tant qu’êtres libres, ils en étaient déjà capables. (Cela ne veut pas dire non plus savoir ce qui est bien et ce qui est mal, puisque le commandement que Dieu leur avait donné implique aussi le savoir : voir Römer). Il faut plutôt comprendre l’expression sur le plan de la connaissance expérientielle comme en Dt 1,39 : « Et vos petits enfants, dont vous avez dit : ‘Ils deviendront une proie !’ et vos fils, qui ne connaissent aujourd’hui ni le bien ni le mal, ce sont eux qui y entreront, c’est à eux que je le donnerai et ce sont eux qui en prendront possession15Faire la distinction entre le bien et le mal : TOB, BFC, PDV. Connaître : NBS, COL, LS.. » La génération de Moïse avait été condamnée à vivre dans le désert à cause de leur incrédulité, mais leurs enfants ne connaissaient pas le bien et le mal dans le sens qu’ils étaient innocents du péché de leurs parents. Adam et Ève n’avaient jamais pris une décision consciente et éclairée de désobéir à Dieu ni vu un acte de désobéissance. Bref, lorsque Dieu dit “voici que l’homme est devenu comme l’un de nous : il connaît ce qui est bien ou mal”, cela implique que parmi l’assemblée divine, un des “fils de Dieu” avait déjà expérimenté le mal (celui qui prit la forme de serpent) et qu’il a réussi à rendre l’humanité comme lui.

Dans cette vision des choses, le nombre des “fils de Dieu” corrompus passe du singulier au pluriel en Gn 6. Comme René Girard dirait, il y a un emballement mimétique sur la terre comme aux cieux. Les “fils de Dieu” qui prirent des “femmes des hommes” en Gn 6,1-4 sont aussi des êtres célestes qui faisaient partie de l’assemblée divine. Bien qu’inconfortables pour les croyants modernes, comprendre “les fils de Dieu” comme étant des êtres célestes en Gn 6,1-4 est la seule explication cohérente avec le fait que leurs descendants sont des nephilim (géants)16Je ferai probablement un article sur cette question éventuellement. et la seule interprétation qui respecte la culture extrabiblique du POA où cette idée est attestée de façon multiple17Chez les Mésopotamiens, voir Gilgamesh, l’Erra Epic (Marduk punit les apkallus, ces êtres divins et sages présents avant le déluge dont la descendance fut des géants). Heiser fait aussi référence aux Titans et géants de la littérature grecque. Du côté juif, voir 1 Enoch 6-11 et le livre des géants à Qumrân. Ce dernier livre cite Gilgamesh comme un descendant des “watcher”, des êtres divins descendus sur terre. J’ajouterais Philon d’Alexandrie, Sur les géants 2,6. Et 2 Pi 2,1-10 ainsi que Jude 5-7 font aussi référence à cela..

De même, en Gn 11,6-7, à Babel, Dieu utilise le « nous » pour s’adresser à l’assemblée divine :

Et l’Éternel dit : ‘Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté. Allons ! descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres.’

Une géographie cosmique

Dt 32 est un chapitre clé pour comprendre la vision du monde des Israélites concernant les êtres célestes. Comme dans le Ps 82, on voit que ces êtres célestes ont la responsabilité de gérer les nations. Dt 32,8-10 revient sur la formation des nations suivant l’épisode de la tour de Babel :

8 Quand le Très Haut donna un héritage aux nations,
Quand il sépara les enfants des hommes18Allusion à la table des nations de Ge 10-11. Le mot « séparer » (parad) ici est le même qu’en Ge 10,5 et 10,32.,
Il fixa les limites des peuples
D’après le nombre des fils de Dieu
19L’expression “fils de Dieu” est la bonne lecture établie à cause de Qumran. La NBS (comme COL, TOB, LS, BS, LS21, DAR, MAR, OST) a une traduction ne tenant pas compte des manuscrits trouvés à Qumran qui sont fort plus anciens : « il fixa les limites des peuples d’après le nombre des Israélites… » contre PDV (“Il a confié chaque peuple à un être du ciel”) et BFC (“sous l’autorité d’un être céleste”). Michael Heiser, “Deuteronomy 32:8 and the Sons of God”, Bibliotheca Sacra 158, 2001, p. 52-53 : « The last phrase, “according to the number of the sons of Israel,” reflects the reading of the Masoretic text (…), a reading also reflected in some later revisions of the Septuagint: a manuscript of Aquila (Codex X), Symmachus (also Codex X), and Theodotion. Most witnesses to the Septuagint in verse 8, however, read, αγγέλων θεού (“angels of God”), which is interpretive, and several others read νιων θεού (“sons of God”). (…) These Hebrew phrases underlying αγγέλων θεού and υιών θεού are attested in two Hebrew manuscripts from Qumran, and by one (conflated) manuscript of Aquila. »,
9 Car la portion de l’Éternel, c’est son peuple,
Jacob est la part de son héritage.

Ce passage décrit comment la dispersion des nations à Babel a résulté dans la perte de l’héritage des nations, la dissociation entre le créateur et l’humanité. Les nations ne sont plus considérées par Dieu comme “son peuple”. Il les confie à la gestion d’autres êtres célestes. Depuis Babel, chaque nation a son être céleste pour la diriger, son “dieu”. À force de chercher une connexion avec d’autres êtres spirituels que le créateur (Gn 3 avec le serpent, Gn 6 avec les fils de Dieu, Gn 10 avec Babel qui monte pour communier avec le ciel [monde spirituel]), le créateur livre l’humanité à son désir mal placé de spiritualité. C’est l’équivalent de Rm 1,18-2520Rm 1,21-24 : « ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. 22 Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous ; 23 et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en images représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes, et des reptiles. 24 C’est pourquoi Dieu les a livrés à l’impureté, selon les convoitises de leurs cœurs… » où Paul dit que Dieu a livré les hommes à eux-mêmes puisqu’ils adoraient des éléments créés. Ici, Dieu décide de couper sa relation avec toutes les nations et de recommencer à zéro éventuellement. Ce recommencement se fera par l’entremise d’un peuple qu’il se créera lui-même, mais qui n’existe pas à l’époque de Babel : Israël. Dt 4,19 confirme l’interprétation selon laquelle Dieu a réparti les nations en fonction des fils de Dieu :

Veille sur ton âme, de peur que, levant tes yeux vers le ciel, et voyant le soleil, la lune et les étoiles, toute l’armée des cieux, tu ne sois entraîné à te prosterner en leur présence et à leur rendre un culte : ce sont des choses que l’Éternel, ton Dieu, a données en partage à tous les peuples, sous le ciel tout entier.

Comme pour Jb 38, ce passage utilise le ciel et les astres qu’il contient comme images des êtres spirituels. Ce texte confirme donc la lecture de Dt 32 où il est dit que Dieu a placé chaque nation sous des fils de Dieu, mais que Yhwh a pris pour sa part, les Israélites qui doivent lui rester fidèles et non pas faire comme le reste des nations et la première humanité aux désirs spirituels mal placés211 Clément 29,1-2 va dans le même sens que Heiser en interprétant par “anges” les fils de Dieu alors qu’il exploite Dt 32 pour le thème de l’héritage de Dieu : “Approchons-nous donc de lui avec une âme sainte, levant vers lui des mains pures et sans tache, soyons pleins d’amour pour ce père bienveillant et miséricordieux qui a fait de nous sa part d’héritage. Il est écrit en effet : “Quand le Très-Haut donna aux nations leur héritage, quand il répartit les fils d’Adam, il fixa leurs limites suivant le nombre des anges de Dieu, mais le lot du Seigneur ce fut Jacob, son peuple Israël, sa part d’héritage” (Dt 32,8-9). Et dans un autre endroit, on lit : “Voici, le Seigneur a pris pour lui un peuple parmi les peuples, comme un homme prend pour soi les prémices de son aire, et de cette nation sortira le saint des saints” (cf. Dt 4,34 ; Nb 18,27 ; 2 Ch. 31,14 ; Ez 18,12; Dt 14,2)”..

Des “affirmations de déni” à bien comprendre

Certains passages de la Bible hébraïque semblent nier l’existence des autres dieux. Par exemple, Dt 32,16-18 affirme ceci :

16 Ils excitent sa jalousie par des [dieux] étrangers,
Ils l’irritent par d’horribles pratiques.
17 Ils sacrifient à des démons qui ne sont pas Dieu,
A des dieux qu’ils ne connaissent pas,
Nouveaux, venus depuis peu,
Et que vos pères n’avaient pas vénérés.
(…)
39 Sachez donc que c’est moi qui suis Dieu,
Et qu’il n’y a point de dieu près de moi

L’expression « il n’y a pas de dieu en dehors de moi »22Qui revient aussi en És 43,11, 45,5 ne signifie pas que les autres dieux n’existent pas. Ils ont comme but de souligner l’incomparabilité de Yhwh parmi les dieux. Ces « affirmations de déni » sont parfois trouvées dans des textes où la présence des dieux est affirmée comme ici en Dt 32 comme le v. 17 rend apparent d’une phrase à l’autre : “ils sacrifient à ce qui n’est pas Dieu (eloah, synonyme d’elohim), à des dieux (elohim) qu’ils ne connaissent pas”. Ésaïe 47,8 et Sophonie 2,15 ont respectivement Babylone et Ninive disant « il n’y a pas d’autres que moi. » Heiser demande : pensez-vous vraiment que cela veut dire qu’il n’y avait pas d’autres villes à leur époque ? Le point de cette affirmation est d’insister sur la grandeur, l’aspect incomparable de ces villes. Même chose avec Dieu. Ils ne peuvent se mesurer à Yhwh. Dire que les autres dieux n’existent pas enlève même de la gloire à Dieu. En fait, dans le suspens biblique, c’est ce que Dieu fait, démontrer concrètement sa supériorité vis-à-vis les autres dieux. Par exemple, quand Moïse est devant le Pharaon, il s’agit d’un combat spirituel entre les sorciers d’Égypte qui font appel aux pouvoirs de leurs dieux contre Moïse et Yhwh. De même, en 1 S 5,1-5, Yhwh montre sa supériorité sur Dâgon, mais cela n’empêche pas les Philistins de continuer d’adorer leur dieu : ils changent simplement un aspect de leur culte pour reconnaître la supériorité de Yhwh sur leur dieu.

Préciser le monothéisme

L’idée de plusieurs dieux n’implique pas le polythéisme. Le mot hébreu traduit en français par « Dieu » est elohim. C’est un terme qui désigne une place de résidence : les cieux (p. 29). La Bible hébraïque présente Dieu comme étant dans une catégorie à part, comme étant unique dans le sens d’incomparable aux autres dieux. Le titre le « Très-Haut » illustre bien comment la transcendance de Yhwh par rapport aux autres dieux. Autrement dit, tous les êtres célestes sont des elohim. L’expression « fils de Dieu » (beney elohim) peut faire référence à des êtres célestes de haut rang ou à des êtres spirituels de façon générale. Ils font tous partie de l’assemblée divine puisqu’il y joue tous un rôle (p. 33 n. 8).

Les dieux sont présentés comme étant réels, mais en même temps, la Bible hébraïque affirme de façon répétée « qu’il n’y a pas de dieux semblables à Yhwh » dans le sens qu’il est unique dans sa catégorie. Yhwh seul est créateur. Tous les fils de Dieu, comme les humains, ont été créés et sont porteurs de l’image de Dieu. Ils sont chargés du rôle d’administrateurs dans le monde céleste au même titre que les humains sont établis intendants de Dieu sur la terre.

Adrian Schenker résume bien comment cela modifie notre compréhension du monothéisme :

Selon Dt 6,4, le Dieu d’Israël, Yhwh, est unique. En quel sens l’est-il ? Est-il seul à être Dieu, si bien qu’il n’existe aucun autre être qui puisse être appelé dieu de manière univoque et non métaphorique ? Ce serait un monothéisme d’existence. (…) Ou est-ce que le Dieu d’Israël est unique, non pas sur le plan de l’existence, mais sur celui de sa manière d’être divin qu’il ne partage avec aucun autre dieu ? Ce serait un monothéisme fondé sur une différence de nature entre lui et les autres dieux. Appelons cela monothéisme de transcendance absolue ou de double transcendance par rapport au monde et aux dieux23Adrian Schenker, “L’institution des dieux et des religions. L’unicité du Dieu de la Bible”, p. 17-40 dans Bible et sciences des religions. Judaïsme, christianisme, islam, Françoise Mies (ed.), NamurBruxelles, Presse universitaire de NamurLessius, 2005, p. 17-18.

Ainsi, peut-être vaut-il mieux de parler de monothéisme de double transcendance plutôt que de monothéisme d’existence…

Références

Références
1 Michael S. Heiser, The Unseen Realm: Recovering the Supernatural Worldview of the Bible, Bellingham WA, Lexham, 2015, 413 p.
2 La thèse de Heiser m’apparaît être une bonne description de la vision du monde israélite, quoique j’aurais certains bémols à offrir ici et là.
3 « The essential feature of the poetry is the repetition of meaning in parallel form. (…) By the same token, poetic effect may be attained by the mere listing of parallel items . » (Cyrus H. Gordon, Ugaritic Textbook: Grammar, Texts in Transliteration, Cuneiform Selections, Glossary, Indices (Analecta Orientalia 38), Rome, Pontificum Institutum Bilicum, 1965, p. 131.
4 Je cite la version LS. En accord avec la NBS, LS21 et JER, elle utilise l’expression « parmi les fils de Dieu » contrairement à plusieurs autres traductions : PDV (parmi les dieux), BFC (dans le monde des dieux), COL (parmi les fils des dieux), TOB (parmi les dieux), SEM (parmi les dieux).
5 Dans son analyse de la thèse de Bousset concernant l’origine de la dévotion à Jésus, Larry W. Hurtado (Le Seigneur Jésus Christ. La dévotion envers Jésus aux premiers temps du Christianisme, Paris, Cerf (Lectio Divina), 2009 [2003], p. 35-36.) touche brièvement à la question de la filiation divine. Il réfute l’idée de Bousset que Paul aurait instrumentalisé la culture gréco-romaine pour contribuer à l’émergence de la dévotion à Jésus. Il est vrai que cette culture, si diverse soit-elle, connaissait bien la notion de “fils des dieux”. Cela faisait référence aux êtres divins dignes de culte. Cependant, les références que Paul fait alors qu’il emploie ce titre christologique proviennent de l’Ancien Testament et non de la culture gréco-romaine. De plus, dans “ces [traditions bibliques et juives], la filiation ne connote pas nécessairement la divinité. Dans ces traditions, le langage de la filiation divine était appliquée au roi divinement choisi, à l’individu pieux, juste et à Israël pris collectivement, en particulier à l’époque du Second Temple ; dans ce cas, la filiation divine connote une faveur spéciale de Dieu et une relation particulière avec lui” (le premier soulignement est de moi et le deuxième de Hurtado).
6 BFC, COL, TOB traduisent « messagers » par « anges ».
7 Cela a des répercutions sur l’interprétation des passages eschatologiques qui parlent “d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux”. En utilisant cette expression, les auteurs bibliques ne font pas référence au renouveau de la couche d’ozone, mais du monde spirituel qui influence l’humanité.
8 Le satan et non Satan : Jb 1,6 décrit une assemblée divine mettant en scène le satan. Il n’est pas clair quel rang occupe le satan parmi les fils de Dieu, mais son nom et la description de son activité fait en sorte qu’il est plus probable qu’il avait un statut assez bas. L’expression « le satan » signifie « adversaire », « prosécuteur », « challenger » (p. 57). Sa tâche implique investiguer ce qui se passe sur la terre. Il est comme les yeux et les oreilles de Yhwh sur le terrain, rapportant ce qu’il a vu et entendu. Il n’est pas un vilain. Il fait ce qu’il est supposé de faire. Dans l’Ancien Testament, satan n’est pratiquement jamais présenté comme un nom personnel : la grammaire hébraïque n’utilise pas le déterminant devant les noms, alors que c’est toujours le cas dans le l’AT.
9 Le terme elohim peut être traduit au singulier ou au pluriel dépendamment de son contexte littéraire. En anglais, nous trouvons l’équivalent de cela dans le mot sheep qui demeure le même au singulier ou au pluriel. C’est l’enchaînement de mots qui détermine le nombre : the sheep are going on the field implique nécessairement un pluriel à cause du verbe. De même, the sheep is eating implique le singulier. C’est la même chose avec le mot elohim dans la Bible.
10 En Gn 14,18-22, le elohim Très-Haut est celui qui a créé le ciel et la terre (2 mentions, une par Melchizédek et l’autre par Abraham) et qui a livré les ennemis d’Abraham entre ses mains.  En Nb 24,16, le Très-Haut est mis en parallèle avec Shaddaï. Au Ps 7,18, Yhwh est présenté comme étant le Très-Haut. Même chose dans le Ps 18,14 où il administre des châtiments. Dans le Ps 47,2, le Très-Haut est Yhwh qui est roi sur toute la terre et soumet les peuples aux Israélites.
11 Je remarque que l’expression « jusqu’à quand » semble communiquer que Dieu leur a laissé du temps pour arrêter leur administration corrompue.
12 Cela constitue une donnée importante pour le conditionalisme qui affirme la purification entière du cosmos : ici, les êtres célestes corrompus, ce qu’on appellera plus tard Satan et les démons, sont destinés à mourir comme des hommes.
13 « He [Philo] insists that God acted alone in the creation of all things except humanity, and holds that the plural in Gen. 1:26 involves subordinate co-workers of God so that, while good human actions may be attributed to God as their source, sins may not. » (Richard Bauckham, Jesus and the God of Israel: God Crucified and Other Studies on the New Testament’s Christology of Divine Identity, Grand Rapids MI, Eerdmans, 2008, p. 10 n. 12). La citation de Philon avec plus de contexte : « It is on this account that Moses says, at the creation of man alone that God said : ‘Let us make man,’ which expression shows an assumption of other beings to himself as assistants, in order that God, the governor of all things, might have all the blameless intentions and actions of man, when he does right attributed to him, and that his other assistants might bear the imputation of his contrary actions. » (On the Creation 24,75 ; Philo of Alexandria, The Works of Philo: New Updated Edition, Complete and Unabridged in One Volume, C. D. Yonge (trad.), Peabody, Hendrickson, 1993, p. 11). L’auteur gnostique du livre The Hypostasis of the Archons comprenait aussi Gn 1,26 de cette façon, mais l’appliquait au démiurge et ses méchants acolytes (Matthew W. Bates, The Birth of the Trinity: Jesus, God and Spirit in New Testament & Early Christian Interpretations of the New Testament, Oxford, Oxford University Press, 2015, p. 179).
14 La BFC dit : « vous serez comme lui [Dieu], capables de savoir ce qui est bon ou mauvais. » Sinon, la PDV, NBS, COL et TOB traduisent tous par « vous serez comme des dieux. » La Septante a aussi “vous serez comme des dieux…”, ἔσεσθε ὡς θεοὶ.
15 Faire la distinction entre le bien et le mal : TOB, BFC, PDV. Connaître : NBS, COL, LS.
16 Je ferai probablement un article sur cette question éventuellement.
17 Chez les Mésopotamiens, voir Gilgamesh, l’Erra Epic (Marduk punit les apkallus, ces êtres divins et sages présents avant le déluge dont la descendance fut des géants). Heiser fait aussi référence aux Titans et géants de la littérature grecque. Du côté juif, voir 1 Enoch 6-11 et le livre des géants à Qumrân. Ce dernier livre cite Gilgamesh comme un descendant des “watcher”, des êtres divins descendus sur terre. J’ajouterais Philon d’Alexandrie, Sur les géants 2,6. Et 2 Pi 2,1-10 ainsi que Jude 5-7 font aussi référence à cela.
18 Allusion à la table des nations de Ge 10-11. Le mot « séparer » (parad) ici est le même qu’en Ge 10,5 et 10,32.
19 L’expression “fils de Dieu” est la bonne lecture établie à cause de Qumran. La NBS (comme COL, TOB, LS, BS, LS21, DAR, MAR, OST) a une traduction ne tenant pas compte des manuscrits trouvés à Qumran qui sont fort plus anciens : « il fixa les limites des peuples d’après le nombre des Israélites… » contre PDV (“Il a confié chaque peuple à un être du ciel”) et BFC (“sous l’autorité d’un être céleste”). Michael Heiser, “Deuteronomy 32:8 and the Sons of God”, Bibliotheca Sacra 158, 2001, p. 52-53 : « The last phrase, “according to the number of the sons of Israel,” reflects the reading of the Masoretic text (…), a reading also reflected in some later revisions of the Septuagint: a manuscript of Aquila (Codex X), Symmachus (also Codex X), and Theodotion. Most witnesses to the Septuagint in verse 8, however, read, αγγέλων θεού (“angels of God”), which is interpretive, and several others read νιων θεού (“sons of God”). (…) These Hebrew phrases underlying αγγέλων θεού and υιών θεού are attested in two Hebrew manuscripts from Qumran, and by one (conflated) manuscript of Aquila. »
20 Rm 1,21-24 : « ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. 22 Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous ; 23 et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en images représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes, et des reptiles. 24 C’est pourquoi Dieu les a livrés à l’impureté, selon les convoitises de leurs cœurs… »
21 1 Clément 29,1-2 va dans le même sens que Heiser en interprétant par “anges” les fils de Dieu alors qu’il exploite Dt 32 pour le thème de l’héritage de Dieu : “Approchons-nous donc de lui avec une âme sainte, levant vers lui des mains pures et sans tache, soyons pleins d’amour pour ce père bienveillant et miséricordieux qui a fait de nous sa part d’héritage. Il est écrit en effet : “Quand le Très-Haut donna aux nations leur héritage, quand il répartit les fils d’Adam, il fixa leurs limites suivant le nombre des anges de Dieu, mais le lot du Seigneur ce fut Jacob, son peuple Israël, sa part d’héritage” (Dt 32,8-9). Et dans un autre endroit, on lit : “Voici, le Seigneur a pris pour lui un peuple parmi les peuples, comme un homme prend pour soi les prémices de son aire, et de cette nation sortira le saint des saints” (cf. Dt 4,34 ; Nb 18,27 ; 2 Ch. 31,14 ; Ez 18,12; Dt 14,2)”.
22 Qui revient aussi en És 43,11, 45,5
23 Adrian Schenker, “L’institution des dieux et des religions. L’unicité du Dieu de la Bible”, p. 17-40 dans Bible et sciences des religions. Judaïsme, christianisme, islam, Françoise Mies (ed.), NamurBruxelles, Presse universitaire de NamurLessius, 2005, p. 17-18

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4 comments on “L’assemblée divine : une vision israélite du monde spirituel

  1. Teresa Juin 4, 2019

    Waw! Ma théologie sur le monde spirituel vient juste de prendre un coup! Et c’est toute une révolution!!! Chacun des points soulevés dans ce texte est pour moi une pépite d’or qu’on gagne à scruter de très près afin d’en retirer toute la richesse et la profondeur. Personnellement et pour ne mentionner que ceci, je sens le besoin, selon Dt 4,19-20, de réitérer mon appartenance à YHWH au travers l’oeuvre de Christ.
    Dieu te bénisse Sonny!

  2. Richard L Marceau Mar 9, 2024

    Existe-t-il une traduction française du livre “The Unseem Realm” ?

Théophile © 2015