Les péchés sont-ils tous équivalents?

12/16/2012

J’entends parfois ceci : “Tous les péchés sont équivalents. À nos yeux, certains péchés sont plus graves que d’autres, mais pas aux yeux de Dieu.” Lorsque cette idée est avancée sans plus de précision, cela peut scandaliser plusieurs. Tuer un enfant est-il aussi grave que mentir ? Il me semble que le témoignage de notre conscience est catégorique : Non ! Ce n’est pas la même chose ! Tuer un enfant est clairement pire que mentir. Le témoignage de la Bible va aussi dans ce sens : il y a différents niveaux de gravité concernant le péché. Cependant, en même temps, les Écritures les mettent aussi sur un pied d’égalité dans un autre sens. Je propose donc dans cet article de préciser dans quel sens les péchés ont différents niveaux de gravité et en quels sens les péchés sont sur un même pied d’égalité…

Dans un sens, les péchés ont différents niveaux de gravité

Les péchés ne sont pas tous équivalents dans le sens où le mal commis a eu des répercussions différentes, des conséquences plus ou moins graves, mais aussi que le coupable mérite un châtiment plus ou moins grave (du point de vue humain, comme du point de vue divin).

Dans l’Ancien Testament, lorsque Joseph fut tenté par la femme de son patron (qui voulait avoir des relations sexuelles avec lui), il dit :

“Il n’est pas plus grand que moi dans cette maison et il ne m’a rien interdit, excepté toi, parce que tu es sa femme. Comment ferais-je un aussi grand mal et pécherais-je contre Dieu?” (Genèse 39.9)
Joseph semblait-il donc considérer l’adultère comme un péché particulièrement grave. Pareillement, devant Pilate, Jésus lui dit :
“Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en haut. C’est pourquoi celui qui me livre à toi commet un plus grand péché.” (Jean 19.11)

Entre livrer Jésus à la mort par pression (à cause de la foule) comme le fait Pilate et livrer Jésus à la mort pour de l’argent (ou pour faire avancer son propre agenda) comme le fait Judas, Jésus dit que le deuxième est plus grave ! Il y a beaucoup d’autres passages bibliques parlant de “grand péché” ou allant dans ce sens (Genèse 13:13, 15:16, 18.20, 20.9; Exode 32.21, 30-31; 1 Samuel 2.17, 26.21 et plusieurs autres…). Ailleurs, on parle de péchés involontaires ou faits inconsciemment (Psaumes 19:13, Lévitique 4:2, 13, 22, 27 ; 5:15, 17 ; Nombres 15:22-29 ; Ezéchiel 45:20). La question des différents niveaux de gravité des péchés est aussi cohérente avec les différents niveaux de châtiment en enfer.

Cependant, un des problèmes en mettant trop d’emphase sur les différents niveaux de gravité de péché est celui-ci : certains commencent à mépriser les autres et à avoir une certaine condescendance morale et spirituelle. Luc 7:39 démontre que les pharisiens faisaient une distinction entre les petits et les grands pécheurs et, sur la base de cette distinction, faisaient de la ségrégation. Jésus s’est clairement positionné face à cette attitude hypocrite où on s’institue juge de l’autre ! Les pharisiens avaient autant besoin du pardon de Dieu et que Jésus meurt pour eux que les prostituées et les collecteurs d’impôts qui abusaient financièrement du peuple. Cette distinction entre grands et petits péchés a fini par les aveugler au point où ils se voyaient justes à leurs propres yeux. La parabole du Pharisien et du péager priant au temple va dans ce sens. En Luc 18:9 cette parabole est introduite par son but : “Il dit encore cette parole pour certaines personnes qui se persuadaient d’être justes et qui méprisaient les autres…” L’enseignement sur la poutre et la paille dans l’oeil en Luc 6:41-42 est aussi pour ceux et celles pourraient tomber dans l’illusion d’être sans péché à cause des “plus grands péchés” qu’ils voient chez les autres.

Un deuxième problème pouvant venir d’un accent trop prononcé sur la différence de gravité des péchés concerne la peur excessive de commettre des péchés et l’oubli de la solution, de la bonne nouvelle, à savoir le pardon gratuit de Jésus par la foi et non par les oeuvres. Il eut un temps où l’Église Catholique romaine fit une classification excessive des péchés en les catégorisant diversement : les péchés véniels, les péchés mortels, les péchés de la chair, les méchants péchés, etc. Dans le vieux livre La petite encyclopédie du péché (1985), Juliette Rousseau écrit :

LE PÉCHÉ. Un mot de cinq lettres lourd de conséquences. Tous ceux qui ont plus de 40 ans peuvent en parler savamment ou presque, puisqu’ils ont longtemps vécu dans la hantise de commettre un péché. À vrai dire, à l’époque où les Princes de l’Église tenaient captives les âmes de leurs ouailles dans les oubliettes du remords persistant, le Péché était la dose à éviter à tout prix, même au prix de son équilibre mental1Juliette Rousseau. 1985. La petite encyclopédie du péché. Ottawa: Les Éditions Priorités, p. 9.

Une telle utilisation du thème biblique du péché est horrible ! C’est une utilisation complètement illégitime de la Bible qui a comme but de libérer les gens et non de les opprimer (2 Corinthiens 3)2En fait, la culpabilisation excessive est l’oeuvre du diable qui, en grec, veut dire l’Accusateur. Voir cet article.. Donc que ce soit pour éviter la condescendance morale des uns par rapport aux autres ou pour éviter la centralisation de l’attention sur le péché, il faut rappeler l’autre partie de la réponse : en un certain sens, tous les péchés sont équivalents…

Dans un autre sens, les péchés sont équivalents

De l’autre côté, on peut aussi dire que le moindre péché, petit ou grand, nous fait entrer dans la catégorie “coupable” devant Dieu. Dieu est celui qui a mis en nous sa loi morale dans notre conscience. La moindre violation de cette loi morale a pour effet de nous séparer de la présence de Dieu, car il ne “tient point le coupable pour innocent” (Ex 23:7). Devenus ainsi incompatibles avec la nature parfaite de Dieu, nous ne pouvons plus aller au paradis, qui est d’abord un endroit où la présence de Dieu est pleinement manifeste. Nous avons donc tous également besoin du pardon que Jésus nous offre et personne n’est trop pécheur pour pouvoir en bénéficier (Romains 3:23-25). En ce sens, peu importe ce que nous avons fait, nous sommes tous sur un pied d’égalité. Nous sommes également destinés par nos péchés à être séparés de Dieu et nous sommes également dans le besoin du pardon de Dieu pour être sauvés. Voici deux textes bibliques allant dans ce sens :

  • Luc 13.2-5 : 2 Il leur répondit: Croyez-vous que ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu’ils ont souffert de la sorte? 3 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également. 4 Ou bien, ces dix-huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu’elle a tuées, croyez-vous qu’elles fussent plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem? 5 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également.

Autrement dit, la mort est la destination finale de tous les êtres humains. Ce n’est pas parce que telle tragédie frappe telles et telles personnes soudainement qu’elles sont plus pécheresses que les autres. Nous aurons le même sort qu’eux, car nous sommes pécheurs comme eux. Mais si nous nous repentons de nos péchés, c’est-à-dire faisons comme un 180 degrés en changeant notre façon de penser de se conduire pour se détourner du péché et se tourner vers le pardon que Jésus nous offre, alors la mort ne sera plus notre sort final, mais la vie éternelle.

  • Jacques 2: 8-11 : “8 Si vous accomplissez la loi royale, selon l’Écriture: Tu aimeras ton prochain comme toi-même, vous faites bien. 9 Mais si vous faites acception de personnes, vous commettez un péché, vous êtes condamnés par la loi comme des transgresseurs. 10 Car quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un seul commandement, devient coupable de tous. 11 En effet, celui qui a dit: Tu ne commettras point d”adultère, a dit aussi: Tu ne tueras point. Or, si tu ne commets point d’adultère, mais que tu commettes un meurtre, tu deviens transgresseur de la loi.”

Le point de ce passage est qu’il est bien de respecter 99% de la loi de Dieu, mais le 1% que nous ne respectons pas nous positionnent dans la catégorie “transgresseur de la loi“. Le 1% suffit à faire de nous des hors-la-loi.

Tout le monde est assez coupable pour être condamné à être séparé éternellement de Dieu et personne n’est trop coupable pour ne pas pouvoir être pardonné et lavé par le sang de Jésus-Christ qui a coulé à la croix.

Conclusion

La plupart des vérités bibliques sont comme une médaille à deux côtés. Il arrive souvent qu’en fonction de ce que l’on veut entendre (ou de ce qu’on a besoin d’entendre), on se concentre plus sur un côté que l’autre (voire qu’on reconnait qu’un seul côté de la médaille). Mais d’être capable de reconnaître les deux côtés est la clé pour l’équilibre. Les québécois ayant grandi avec la hantise du péché sous le régime despotique de l’Église catholique romaine voudra à juste titre mettre l’accent sur l’aspect égalitaire de tous les péchés. De l’autre côté, les personnes soucieuses du principe de justice trouvera absurde l’idée que tous les péchés sont équivalents aux yeux de Dieu. Nier que les péchés ont des niveaux de gravité différents, c’est choquer le principe de la justice. Nier que les péchés sont équivalents, c’est risquer de tendre vers la condescendance morale et l’inégalité entre les humains. Il faut tenir la tension de ces deux aspects ensemble pour rendre justice au témoignage biblique.

Références

Références
1 Juliette Rousseau. 1985. La petite encyclopédie du péché. Ottawa: Les Éditions Priorités, p. 9
2 En fait, la culpabilisation excessive est l’oeuvre du diable qui, en grec, veut dire l’Accusateur. Voir cet article.

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